Accra défie l’accord migratoire signé avec Washington

Jean-Baptiste Ngoma
4 mn de lecture

Ce qu’il faut retenir

Accra se retrouve au cœur d’une controverse juridique après l’arrivée, le 13 octobre, d’un nouveau charter en provenance de Baltimore : l’accord migratoire conclu le 10 septembre avec Washington fait désormais l’objet d’un recours devant la Cour suprême ghanéenne, déposé par le cabinet de Me Oliver Barker Vormawor, qui en demande l’annulation (RFI).

Contexte de l’accord migratoire Accra-Washington

L’exécutif ghanéen assume depuis septembre un dispositif permettant aux États-Unis de transférer vers Accra des migrants ouest-africains expulsés de son territoire. Le gouvernement fait valoir un cadre « provisoire » destiné à faciliter la réadmission de personnes n’ayant pas obtenu le droit de séjour américain (RFI).

Washington souhaitait une solution rapide après la reprise post-pandémique des vols de déportation. Accra, de son côté, y voit un moyen de consolider un partenariat bilatéral marqué par une coopération sécuritaire et des flux d’aide publique au développement.

Argument constitutionnel devant la Cour suprême

Pour Me Barker Vormawor, le texte n’a pas franchi l’étape incontournable de la ratification parlementaire. À ses yeux, l’exécutif agit hors du cadre constitutionnel en mettant en œuvre un accord international qui touche aux droits fondamentaux sans validation législative préalable (RFI).

L’avocat rappelle la doctrine jurisprudentielle selon laquelle tout engagement conclu « avec un autre État » doit passer au Parlement, quelle que soit la dénomination retenue – protocole, mémorandum ou accord intérimaire. L’argumentaire vise à faire reconnaître l’inconstitutionnalité de la procédure.

Les obligations internationales du Ghana

Le recours dénonce également une incohérence avec les instruments sous-régionaux et onusiens ratifiés par Accra. La libre circulation de la Cédéao, invoquée pour justifier le transfert de ressortissants ouest-africains, ne peut pas être utilisée pour contourner les protections individuelles prévues par la convention contre la torture, rappelle le cabinet requérant (RFI).

Les premiers migrants arrivés le 10 septembre bénéficiaient aux États-Unis d’une protection contre l’expulsion liée au « risque fondé de torture » dans leur pays d’origine. En les redirigeant sans garanties, le Ghana s’exposerait, selon le recours, à une violation de ses obligations de non-refoulement.

Calendrier des transferts de migrants

Les autorités ghanéennes reconnaissent l’accueil de quatorze personnes depuis le 10 septembre. Pourtant, l’avocat évoque trois vols distincts, dont un, courant septembre, aurait transporté quatorze migrants supplémentaires. Le Boeing 767-200 posé à Kotoka le 13 octobre confirmerait la montée en cadence du dispositif (RFI).

Aucun détail officiel n’a filtré sur la nationalité ou le profil exact des passagers. Le silence gouvernemental nourrit le débat public, alors que l’opposition politique et la société civile réclament davantage de transparence sur le contenu véritable de l’accord et sur le sort réservé aux personnes transférées.

Scénarios pour la coopération Ghana-États-Unis

Si la Cour suprême valide le recours, le gouvernement devra soit soumettre l’accord au Parlement, soit renégocier un cadre conforme à la Constitution. Une suspension provisoire pourrait geler les vols et raviver les discussions sur la capacité de l’exécutif à engager le pays sur le plan international sans contrôle législatif.

En cas de validation de l’accord, Accra consoliderait un axe diplomatique avec Washington, potentiellement échangeable contre des soutiens financiers et sécuritaires. Toutefois, la controverse actuelle montre que les opinions publiques africaines surveillent de près la compatibilité des accords bilatéraux avec les normes constitutionnelles et les engagements régionaux.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.