Ce qu’il faut retenir
Londres voit débarquer un flux continu de Chagossiens venus faire valoir la citoyenneté britannique obtenue en 2022. Rien que cette semaine, 152 personnes ont atterri à Heathrow, portant le total à plus de 600 depuis juillet dernier (BBC).
La commune de Hillingdon, compétente pour l’aéroport, anticipe deux millions de livres de dépenses d’hébergement d’urgence en 2024 et demande un soutien de l’État. Les exilés affirment fuir l’insécurité ressentie à Maurice depuis l’accord qui prévoit la rétrocession de l’archipel en échange du maintien de la base UK-US sur Diego Garcia.
Contexte historique
Les Chagos, possession britannique depuis 1814, ont été détachés de Maurice en 1965 pour former le British Indian Ocean Territory. Entre 1967 et 1973, quelque 1 500 habitants ont été déracinés afin de permettre la construction d’une base stratégique sur Diego Garcia, aujourd’hui louée aux États-Unis.
Après des décennies de contentieux, Londres a accordé en 2022 un droit élargi à la citoyenneté aux descendants des exilés. Cette avancée n’a pas effacé l’amertume du déplacement forcé ni l’aspiration à pouvoir retourner un jour sur les terres ancestrales.
Calendrier des arrivées
La délivrance de passeports britanniques a créé un effet d’entraînement. En un an, les vols en provenance de Port-Louis déposent chaque semaine de nouveaux Chagossiens, souvent des familles entières. Les autorités municipales parlent d’une vague régulière plutôt que d’un pic isolé.
Hillingdon a installé cette semaine un centre d’enregistrement éphémère près de l’aéroport pour traiter les demandes de logement d’urgence. Les services évoquent une file d’attente d’allocataires comparable à celle générée par les contingents d’asile que le Home Office dirige déjà vers la commune.
Acteurs clés
Le conseiller municipal Steve Tuckwell, ex-député conservateur, multiplie les alertes sur une collectivité « au bord de la faillite ». Le plan d’économie de 38 millions de livres lancé en janvier risque d’être compromis sans aide additionnelle du Trésor.
Face à lui, des porte-parole chagossiens comme Vanessa Mandarin Calu défendent un exil présenté comme transitoire. Selon eux, les familles cherchent à sécuriser leurs droits avant de rentrer un jour dans un archipel qu’ils espèrent demeurer territoire britannique et non mauricien.
Débat budgétaire et social
Le ministère de l’Intérieur rappelle que « les Chagossiens doivent organiser leur logement avant le voyage » et assure que des fonds ponctuels ont déjà été versés aux municipalités. Hillingdon juge ces crédits insuffisants et réclame un mécanisme comparable à celui déployé pour l’accueil des réfugiés ukrainiens.
Les associations caritatives soulignent que les exilés arrivent avec peu d’économies, souvent après avoir vendu biens et véhicules pour payer les billets. L’absence de réseau familial au Royaume-Uni les rend immédiatement dépendants des dispositifs municipaux de lutte contre le sans-abrisme.
Scénarios et options
À court terme, l’enjeu est la répartition équitable des coûts. La Local Government Association suggère un fonds national dédié afin d’éviter que seul l’ouest londonien n’absorbe la charge. Des négociations sont en cours pour mutualiser l’hébergement avec des communes voisines.
Sur le plan diplomatique, certains élus proposent d’inclure la question du retour des Chagossiens dans les clauses de l’accord UE-Maurice sur la migration circulaire. D’autres misent sur un partenariat Royaume-Uni–Maurice pour une réinstallation graduelle vers l’archipel, une fois les infrastructures civiles réhabilitées.
Impact géopolitique
Le versement annuel de 101 millions de livres consenti par Londres pour conserver la base de Diego Garcia nourrit la frustration des exilés, qui comparent ce chèque à l’absence de dotation pour leur relogement. La controverse pourrait raviver, à l’ONU, les appels à décoloniser l’archipel.
Pour l’instant, Downing Street tient à distinguer l’accord stratégique de la question migratoire. Reste que la visibilité donnée à la cause chagossienne éclaire de nouveau la contradiction entre la promotion britannique du droit international et la persistance d’un territoire contesté.

