Ce qu’il faut retenir
À deux semaines de la COP30, le Maroc a déposé auprès des Nations unies un plan climat misant sur une sortie totale du charbon d’ici 2040. L’engagement, qui conditionne son calendrier à l’obtention d’un soutien financier international, promet également une réduction de 53 % des émissions nationales à l’horizon 2035.
Près de 60 % de l’électricité marocaine dépend encore du charbon, combustible abondant mais très émetteur et importé. Rabat affirme qu’une enveloppe de 30 milliards de dollars est indispensable pour accélérer sa transition, faute de quoi la date butoir demeurera symbolique, sans contrainte ferme.
COP30 sous le signe de Rabat
La conférence de Belém, qui s’ouvre le 10 novembre 2025, constitue une rampe médiatique idéale pour le royaume. En actualisant sa contribution déterminée au niveau national avant la grand-messe diplomatique, Rabat se positionne en acteur constructif du débat climatique et espère mobiliser de nouveaux alliés financiers.
La manœuvre rappelle la stratégie d’autres pays africains, qui articulent désormais leurs annonces énergétiques autour de calendriers internationaux afin de maximiser la visibilité et la portée de leurs requêtes d’appui. Le Maroc, déjà reconnu pour ses complexes solaires de Ouarzazate, veut consolider cette image d’élève appliqué.
Une dépendance au charbon persistante
Avec près des deux tiers de son mix, la houille demeure la colonne vertébrale du système électrique marocain. Cette réalité technique pèse sur la balance commerciale, puisque le minerai est importé, et sur l’empreinte carbone nationale, freinant la trajectoire vers la neutralité pourtant endossée par plusieurs voisins africains.
Les centrales à charbon, concentrées notamment sur la côte atlantique, assurent une production continue à coût maîtrisé. Fermer ces unités en moins de deux décennies exige d’importants investissements en stockage, interconnexions et flexibilité, afin de sécuriser l’approvisionnement lorsque soleil et vent font défaut.
53 % d’émissions en moins, scénario conditionnel
Le plan climat est structuré en deux volets. Le premier, dit inconditionnel, couvre les mesures que Rabat finance sur ressources propres. Le second, qualifié de conditionnel, regroupe les actions supplémentaires — telle la sortie du charbon en 2040 — réalisables seulement si l’aide internationale est au rendez-vous.
L’objectif de réduction de 53 % des émissions à l’horizon 2035 repose ainsi sur un partage clair des responsabilités. Plus que la bonne volonté politique, c’est la disponibilité de financements concessionnels qui déterminera la profondeur de la décarbonation marocaine, illustrant la tension Nord-Sud au cœur des négociations climatiques.
Le chèque climatique de 30 milliards USD
Le chiffre de 30 milliards de dollars reflète l’addition des coûts d’infrastructures, de formation et d’indemnisation liés à la transition. Rabat ne précise pas la ventilation de cette somme, mais la présente comme un investissement, promettant des retombées industrielles et technologiques susceptibles d’attirer le secteur privé.
En conditionnant sa feuille de route à cet appui, le Maroc insiste sur la dimension d’équité qui traverse la gouvernance climatique. Le pays rappelle que sa contribution historique aux émissions mondiales demeure marginale, tandis que le coût de l’ajustement énergétique pèse surtout sur ses finances publiques déjà sollicitées.
Diplomatie verte et leadership africain
L’annonce offre au royaume l’occasion de consolider son positionnement diplomatique africain. En se plaçant en tête d’affiche de la COP30, Rabat ambitionne de fédérer un front continental capable de peser sur les négociations, tout en montrant que la transition peut devenir vecteur de coopération Sud-Sud.
Pour nombre de capitales, la démarche marocaine trace un précédent. Elle pourrait inspirer d’autres pays à annoncer des sorties de combustibles fossiles adossées à des requêtes financières chiffrées, créant un cadre plus lisible pour les bailleurs multilatéraux tout en renforçant la voix collective de l’Afrique dans les instances onusiennes.
Scénarios à l’horizon 2040
Si les financements se matérialisent, la sortie graduelle du charbon pourrait débuter par la conversion des centrales existantes vers la biomasse ou l’hydrogène vert, puis par leur fermeture définitive. En l’absence de soutien, Rabat continuera d’investir dans les renouvelables, mais conservera probablement une base thermique pour sécuriser le réseau.
Quel que soit le scénario, la décision marocaine ajoute une nouvelle trajectoire de transition à l’agenda africain. Elle rappelle l’urgence d’aligner financements et ambitions, et place la COP30 face à sa première équation concrète : transformer une promesse politique en plan d’investissement crédible, mesurable et socialement juste.

