Charm El-Cheikh : sommet express pour la paix à Gaza

Jean-Baptiste Ngoma
7 mn de lecture

Ce qu’il faut retenir

Charm El-Cheikh redevient, ce lundi 13 octobre, la scène d’une diplomatie de crise. À l’appel du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, plus de vingt chefs d’État sont attendus pour entériner l’accord de cessez-le-feu conclu cette semaine entre Israël et le Hamas (Al-Ahram).

Le sommet, qualifié de « paix » par la présidence égyptienne, se veut un point d’orgue après des discussions intenses menées au Caire. La réunion se tient sans la présence des deux parties en conflit, un choix qui souligne son caractère essentiellement politique, voire symbolique (The Jerusalem Post).

L’initiative égyptienne sous le feu des projecteurs

Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, le Caire a réactivé son rôle d’intermédiaire, confirmant sa position charnière entre Méditerranée orientale et monde arabe. Ce nouveau rendez-vous assoit la stratégie d’influence régionale du président Al-Sissi, fondée sur des médiations ponctuelles et sur la valorisation de Charm El-Cheikh comme plateforme de négociations.

Le choix d’un format resserré – une après-midi – suggère une volonté de capitaliser rapidement sur la fenêtre diplomatique ouverte par le cessez-le-feu. Le mot d’ordre, explique Al-Ahram, est de « mettre fin à la guerre », sans agenda de reconstruction ou de suivi détaillé.

Une coprésidence Sissi-Trump inédite

La présence du président américain Donald Trump, annoncé comme co-président, confère une tonalité singulière à l’événement. Pour Washington, ce déplacement offre l’occasion de consolider un acquis – l’arrêt des combats – sans s’engager dans un processus de paix long et coûteux.

Le duo Al-Sissi–Trump reflète par ailleurs une convergence tactique : privilégier un contact direct avec les capitales arabes tout en tenant Israël à distance sur la scène publique. L’équilibre demeure délicat, mais il répond à la nécessité d’envoyer un signal de leadership partagé au lendemain de la signature de l’accord.

Un casting diplomatique de premier plan

Autour du binôme égypto-américain se pressent le secrétaire général de l’ONU António Guterres, le Premier ministre britannique Keir Starmer, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, le président du gouvernement espagnol Pedro Sánchez et le président français Emmanuel Macron (The Guardian).

L’Orient-Le Jour ajoute le président turc Recep Tayyip Erdogan et le roi Abdallah II de Jordanie à la liste, confirmant la nature transrégionale de la rencontre. La présence turque illustre l’ouverture du format, tandis que la participation jordanienne rappelle la centralité d’Amman dans toute équation liée au statut des lieux saints à Jérusalem.

Des absences qui en disent long

Aucune délégation officielle israélienne ou du Hamas n’assistera à la cérémonie de signature, note The Jerusalem Post. Cette configuration pourrait atténuer la portée juridique des décisions, mais elle permet d’éviter des face-à-face prématurés alors que le cessez-le-feu reste fragile.

Le sommet s’apparente donc à une tribune internationale d’appui politique, plutôt qu’à une négociation technique. En filigrane, Le New Arab souligne que l’absence des belligérants limite aussi les risques de rupture immédiate du dialogue.

Que peut-on attendre de la déclaration finale ?

Selon la communication officielle égyptienne reprise par Al-Ahram, l’objectif est de consacrer la fin des hostilités et d’appeler à une reprise rapide de l’aide humanitaire à Gaza. Aucune feuille de route détaillée n’a filtré, laissant les parties libres de calibrer leurs engagements nationaux.

L’on s’attend toutefois à un texte rappelant le soutien aux « deux États », thème récurrent des communiqués onusiens. La présence d’António Guterres assure que la terminologie onusienne restera la référence, même si l’absence d’Israël et du Hamas réduit la portée opérationnelle des engagements.

Calendrier serré, enjeu d’image

La conjonction d’un format express et d’un parterre de dirigeants de poids offre au Caire une vitrine d’efficacité. Pour plusieurs capitales européennes, le déplacement d’une demi-journée limite le coût politique d’une implication directe tout en affichant un soutien à la solution diplomatique.

Le rendez-vous de Charm El-Cheikh pourrait ainsi devenir un jalon mémoriel, sans préjuger du processus ultérieur. Dans une région où les cycles de conflit se succèdent, l’événement rappelle que la diplomatie reste sise à la croisée des symboles et des rapports de force.

Scénarios d’après-sommet

Trois hypothèses dominent les conversations diplomatiques : la consolidation rapide du cessez-le-feu grâce à une pression politique coordonnée ; un statu quo fragile menacé par des incidents ponctuels ; enfin, la reprise des hostilités faute de mécanisme de vérification. Le choix des mots dans la déclaration finale pèsera donc lourd sur la perception du succès ou de l’échec.

À court terme, l’enjeu principal est de maintenir l’unité d’affichage obtenue ce 13 octobre. Faute d’Israël et du Hamas autour de la table, le suivi reposera sur la crédibilité des parrains du sommet, en premier lieu Le Caire et Washington.

Acteurs et intérêts croisés

Pour l’Égypte, le sommet consolide une stature de médiateur incontournable et offre un capital politique précieux sur la scène arabe. Pour les puissances européennes, il s’agit d’assurer une visibilité dans un dossier où leur marge d’action demeure limitée.

Les Nations unies, par la voix d’António Guterres, trouvent là une plateforme pour relancer un discours multilatéral, tandis que la Turquie et la Jordanie capitalisent sur leur proximité historique avec la question palestinienne.

Au-delà de Charm El-Cheikh

Le rendez-vous du 13 octobre ne mettra pas un point final au conflit, mais il illustre la résilience de la diplomatie de sommets. En l’absence d’un cadre de négociation permanent, ces rencontres successives façonnent des coalitions éphémères dont la valeur tient souvent plus à la photo de famille qu’aux clauses juridiques.

La portée réelle du sommet dépendra donc de la capacité des acteurs présents à traduire leurs déclarations en canaux réguliers de suivi. Dans l’immédiat, la priorité est claire : préserver le silence des armes et rouvrir les voies d’assistance à Gaza.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.