Une offensive crypto aux allures de stratégie d’influence
La décision de Blockchain.com, plateforme britannique d’échange de cryptomonnaies, d’étendre ses activités en Afrique ne relève pas d’un simple pari commercial. En visant des marchés comme le Nigeria, le Ghana, le Kenya et l’Afrique du Sud — pays où les régulations crypto se clarifient — l’entreprise s’inscrit dans une logique d’ancrage géoéconomique et diplomatique.
Selon Owenize Odia, directrice générale des opérations africaines, l’ouverture d’un bureau physique à Lagos, prévue ce trimestre, s’inscrit dans une volonté de soutenir les écosystèmes locaux d’actifs numériques via des investissements en infrastructures et en capital humain.
Le Nigeria, épicentre d’un écosystème en mutation
Le choix du Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique et marché crypto en pleine effervescence, ne doit rien au hasard. Classé parmi les leaders mondiaux en adoption des cryptomonnaies, le pays développe une régulation plus lisible et s’impose comme un hub stratégique pour les entreprises tech.
Dans ce contexte, l’arrivée de Blockchain.com pourrait non seulement dynamiser le secteur, mais également influencer les normes régulatoires régionales et renforcer les échanges bilatéraux en matière de finance numérique. Il s’agit là d’un levier d’influence qui échappe aux circuits traditionnels de la diplomatie.
Régulation et souveraineté numérique : les défis diplomatiques
Le développement de la blockchain sur le continent repose sur un équilibre diplomatique délicat. D’un côté, les pays africains souhaitent capter les bénéfices économiques de cette innovation. De l’autre, ils doivent protéger leur souveraineté numérique face à des entreprises étrangères à fort pouvoir d’influence.
Ainsi, l’expansion de Blockchain.com pose aussi la question du partage des données, du rôle des autorités de régulation, et de la capacité des États à négocier des cadres juridiques équitables tout en attirant les investissements.
Vers une nouvelle diplomatie économique crypto-compatible ?
À l’heure où les BRICS s’interrogent sur l’avenir de la monnaie numérique et où les grandes puissances redéfinissent leurs partenariats technologiques en Afrique, la crypto devient un vecteur de soft power. Blockchain.com, en s’implantant localement, pourrait devenir un interlocuteur incontournable dans la redéfinition des politiques financières africaines.
L’enjeu dépasse la simple présence commerciale : il s’agit pour les États africains de repenser leur diplomatie économique en tenant compte des technologies émergentes, tout en évitant une nouvelle forme de dépendance.
L’entrée de Blockchain.com en Afrique reflète une évolution profonde : la diplomatie du XXIe siècle ne se joue plus seulement entre États, mais aussi entre plateformes, protocoles et infrastructures numériques. Pour les pays africains, il s’agit désormais de transformer cette effervescence technologique en souveraineté stratégique.