Ce qu’il faut retenir
Le 10 octobre 2025, l’armée congolaise a exhorté les Forces démocratiques de libération du Rwanda à déposer les armes, invoquant l’accord de paix signé en juin à Washington entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Washington et Kigali saluent l’initiative, mais sa traduction opérationnelle dépend encore d’une coordination tripartite FARDC-Monusco-Rwanda.
Un appel inscrit dans l’accord de Washington
Pour Kinshasa, l’ordre opérationnel du 1ᵉʳ octobre matérialise la volonté politique de mettre fin à la présence d’un groupe considéré par Kigali comme une « menace existentielle ». Massad Boulos, conseiller principal pour l’Afrique au département d’État américain, y voit « une étape décisive » vers la restauration de l’autorité de l’État et la sécurité régionale.
La déclaration intervient quatre mois après la signature, à Washington, d’un compromis négocié sous l’égide des États-Unis. Celui-ci prévoit le désarmement progressif des FDLR, leur rapatriement volontaire et la coopération judiciaire entre Kinshasa et Kigali.
Coordination FARDC-Monusco-Rwanda : un mécanisme encore flou
Sitôt le communiqué publié, l’état-major a adressé des instructions aux commandants de zone pour travailler avec les communautés frontalières et préparer l’accueil des redditions. Un officier souligne que « les FARDC font leur part ; la Monusco doit clarifier la sienne et le Rwanda organiser le retour ».
La Monusco, informée, poursuit les échanges techniques afin de cerner précisément les attentes congolaises. Depuis juin, la mission onusienne a déjà facilité le rapatriement volontaire de douze ex-combattants affiliés aux FDLR et au groupe Nyatura, preuve d’un savoir-faire logistique reconnu.
Cependant, l’ampleur du dispositif change d’échelle : entre 1 500 et 2 500 combattants pourraient se présenter. Centres de transit, sécurité des familles, filtrage judiciaire et transport vers le Rwanda exigent des ressources considérables et une synchronisation stricte des agendas nationaux et onusiens.
Contexte : les FDLR, héritages et mutations
Créées à la fin des années 1990 par d’anciens responsables du génocide contre les Tutsis, les FDLR ont longtemps instrumentalisé la porosité des frontières forestières et les tensions intercommunautaires du Kivu. Leur nombre a fondu, mais leur capacité de nuisance demeure, notamment par des alliances ponctuelles avec des milices locales.
Leur statut de réfugiés armés place le dossier à l’intersection du droit international, de la justice transitionnelle et de la sécurité. Toute solution durable implique un filtrage des éléments recherchés pour crimes graves sans bloquer le retour de la base combattante.
Calendrier : étapes et inconnues
L’ordre opérationnel fixe un horizon glissant de trois mois pour les premières vagues de reddition. Les sites de regroupement doivent être identifiés avant la saison des pluies, cruciale pour l’accessibilité des pistes. La Monusco plaide pour des procédures écrites détaillant responsabilités et financement.
Kinshasa souhaite aller vite afin de concentrer ses effectifs sur d’autres foyers d’insécurité, tandis que Kigali attend des garanties sur l’extradition des suspects de génocide. La fenêtre diplomatique paraît donc étroite : tout retard allongerait un calendrier déjà serré.
Acteurs et intérêts croisés
Outre les gouvernements congolais et rwandais, Washington mise sur ce dossier pour cimenter sa médiation dans les Grands Lacs. L’Union africaine observe le processus comme un test de sa nouvelle architecture de paix, et la Communauté d’Afrique de l’Est s’inquiète de possibles reconfigurations d’alliances armées.
Les communautés locales, hôtes parfois contraints des FDLR, redoutent un vide sécuritaire ou des représailles. Des leaders coutumiers réclament un renforcement simultané des services de base afin que la paix ne se limite pas à un geste militaire.
Scénarios pour la sécurité régionale
Si la reddition atteint son objectif quantitatif, Kinshasa pourra redéployer des troupes vers d’autres fronts, notamment contre les ADF dans le Nord-Kivu. Kigali, de son côté, verrait s’éteindre un argument historique justifiant des incursions préventives.
Un échec, en revanche, renforcerait les sceptiques de part et d’autre de la frontière et compliquerait la future transition post-Monusco déjà annoncée. Dans l’intervalle, la vigilance reste de mise : plusieurs groupes périphériques pourraient tenter de combler le vide laissé par les FDLR.

