Fête de l’Unité : Rabat mise sur l’ONU pour le Sahara

Jean-Baptiste Ngoma
4 mn de lecture

Ce qu’il faut retenir sur la nouvelle fête nationale

Le Maroc a décidé que le 31 octobre deviendrait « Journée de l’Unité », pour graver dans la mémoire collective le jour où le Conseil de sécurité a qualifié son offre d’autonomie du Sahara occidental de « solution la plus réaliste ». Rabat entend transformer un vote onusien en symbole d’intégrité territoriale et de cohésion nationale.

Le palais royal présente cette date comme un jalon comparable à la Marche verte de 1975. Aux yeux des autorités, la résolution soutenue par onze membres sur quinze confirme le glissement diplomatique observé ces dernières années : de plus en plus de puissances jugent le projet marocain faisable, tandis que la voie référendaire s’enlise.

Contexte historique du Sahara occidental

Ancienne colonie espagnole, cette bande désertique riche en phosphates fut annexée par le Maroc à la fin 1975. Le Front Polisario, adossé à une partie de la population sahraouie et soutenu par l’Algérie, déclencha alors une guérilla qui dura près de deux décennies avant les cessez-le-feu des années 1990.

Depuis 1991, la Minurso déploie quelque 2 000 casques bleus pour surveiller la trêve et préparer un référendum d’autodétermination. Trente ans plus tard, le scrutin n’a toujours pas eu lieu, faute d’accord sur le corps électoral. Ce vide a laissé prospérer des solutions alternatives, dont le schéma d’autonomie proposé par Rabat en 2007.

Les enjeux diplomatiques au Conseil de sécurité

La résolution parrainée par Washington a obtenu onze voix favorables. Russie, Chine et Pakistan se sont abstenus, tandis que l’Algérie a voté contre. Le texte reconduit également pour un an le mandat de la Minurso, réaffirmant le rôle central de l’ONU malgré la divergence des positions.

Le Maroc voit dans ce résultat une consolidation de la tendance enregistrée depuis 2020, quand les États-Unis, puis le Royaume-Uni, l’Espagne, la France, l’Allemagne ou encore les Pays-Bas ont exprimé un soutien explicite à l’autonomie sous souveraineté marocaine. En réponse, le Front Polisario continue de réclamer un référendum, arguant du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Alger – Rabat : une rivalité en mutation

L’opposition d’Alger traduit la dimension maghrébine du dossier. L’Algérie soutient diplomatiquement et matériellement le Polisario, considérant que la question sahraouie relève d’une décolonisation inachevée. Pour Rabat, il s’agit d’un différend strictement bilatéral avec le mouvement sahraoui, et non d’un contentieux entre États.

Cette divergence nourrit la fermeture de la frontière terrestre depuis 1994 et pèse sur la construction de l’Union du Maghreb arabe. Les récentes abstentions de Moscou et Pékin, partenaires stratégiques d’Alger, montrent cependant que la ligne algérienne ne fait plus l’unanimité parmi ses alliés traditionnels.

Scénarios futurs pour la médiation onusienne

En prorogeant la Minurso, le Conseil de sécurité conserve l’architecture de paix en place depuis trois décennies. La reconnaissance tacite de l’autonomie comme horizon réaliste redéfinit néanmoins la marge de manœuvre de l’envoyé spécial de l’ONU, appelé à relancer des pourparlers sans préjuger du résultat final.

À court terme, la « Journée de l’Unité » offre à Rabat un levier de diplomatie publique. En capitalisant sur un calendrier symbolique, le royaume consolide son soft power et met au défi ses adversaires de proposer une alternative viable. Rien n’exclut un retour des tensions, mais la dynamique actuelle conforte la stratégie marocaine d’ancrage multilatéral.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.