Ce qu’il faut retenir
Le Groupe d’action financière, bras armé mondial contre le blanchiment et le financement du terrorisme, a retiré le Burkina Faso, le Mozambique, le Nigeria et l’Afrique du Sud de sa liste grise. Ce record africain, salué par la présidente du Gafi, envoie un signal de confiance aux investisseurs.
La décision atteste de réformes techniques: détection plus fine en Afrique du Sud, coordination accrue au Nigeria, partage de renseignements au Mozambique, contrôle des banques au Burkina Faso. Sans effet immédiat sur les classements souverains, cette dynamique devrait cependant alléger les coûts de transaction et attirer les capitaux patients.
Contexte international de la surveillance financière
Créé en 1989, le Gafi examine régulièrement les juridictions pour vérifier leur conformité à quarante recommandations. Être inscrit sur la liste grise n’entraîne pas de sanctions automatiques, mais accroît la vigilance des banques correspondantes, renchérit les opérations de change et peut retarder les projets d’infrastructures dépendants de garanties internationales.
Ces dernières années, la pandémie puis la crise ukrainienne ont renforcé les circuits informels, accroissant la pression sur les régulateurs africains. Dans ce contexte, quatre retraits simultanés constituent un précédent, illustrant la convergence progressive des standards continentaux avec les normes de Paris et de Washington.
Les avancées sectorielles pays par pays
En Afrique du Sud, la création d’une unité spécialisée au sein du Financial Intelligence Centre a permis de mieux croiser les bases de données bancaires avec celles des douanes, capturant des schémas de fuite de capitaux évalués à plusieurs milliards de rands, selon le rapport présenté à la plénière du Gafi.
Le Nigeria a misé sur une plateforme de déclarations en ligne obligatoire pour les banques commerciales, couplée à un renforcement de la coopération entre la Banque centrale, la Commission des crimes économiques et les services douaniers. Cette architecture a augmenté de 30 % les alertes exploitables, faisant reculer les transferts illicites.
Au Mozambique, le partage systématique de renseignements financiers avec les unités de lutte contre la corruption a été déterminant. Le mécanisme, appuyé par la Banque mondiale, a permis d’ouvrir des poursuites dans le secteur extractif, domaine ultrasensible pour un pays exportateur de gaz naturel et vulnérable aux réseaux transfrontaliers.
Le Burkina Faso, confronté à un contexte sécuritaire difficile, a néanmoins renforcé les contrôles sur les sociétés de transfert d’argent et les microfinances présentes dans les zones frontalières. Selon le Gafi, les inspections inopinées menées depuis Ouagadougou ont réduit les opérations suspectes de 15 % en moins de deux ans.
Quels effets pour les marchés africains
Les investisseurs institutionnels lisent attentivement les listes du Gafi. Sortir de la liste grise ne change pas du jour au lendemain les primes de risque, mais l’horizon de trois à cinq ans pourrait voir les spreads souverains se contracter, particulièrement pour le Burkina Faso dont les euro-obligations restent peu liquides.
Pour les banques sud-africaines, la décision allège la pression réglementaire sur les contreparties européennes et facilite l’accès aux lignes de trésorerie en dollars, cruciales pour les activités de négoce de matières premières. À Lagos, les fintechs espèrent accélérer leurs levées de fonds, freinées par les exigences renforcées de diligence.
Scénarios pour la crédibilité financière du continent
Si les quatre pays maintiennent le rythme des contrôles, le Gafi pourrait, lors de la prochaine évaluation triennale, classer leurs régimes comme « largement conformes ». Un tel palier ouvrirait la voie à l’obtention d’équivalences avec l’Union européenne, gage de fluidité pour les paiements interrégionaux et l’expansion des banques panafricaines.
Inversement, un relâchement serait rapidement détecté grâce au système de suivi post-retrait. Les autorités savent qu’un retour sur la liste grise devient coûteux politiquement et financièrement. D’où l’émergence de cellules interministérielles pérennes, inspirées du modèle sud-africain, que plusieurs pays d’Afrique centrale envisagent déjà d’adopter.
Calendrier des prochaines évaluations
Le Gafi a fixé au mois de juin prochain une revue de progrès intermédiaire. Les rapports définitifs seront discutés lors de la plénière d’octobre. Entre-temps, les quatre capitales devront transmettre des statistiques actualisées, notamment sur les condamnations prononcées pour blanchiment et financement du terrorisme, indicateur clé pour mesurer l’effectivité des réformes.
À l’échelle continentale, l’Union africaine prévoit d’inscrire la coopération contre le blanchiment à l’ordre du jour du sommet des chefs d’État en février. L’ambition est de renforcer les Groupes d’action régionaux afin que l’Afrique parle d’une seule voix dans les forums financiers, consolidant ainsi la réputation du continent auprès des bailleurs.

