Global Gateway : l’Europe mise 400 Mds € pour séduire l’Afrique

Jean-Baptiste Ngoma
5 mn de lecture

Ce qu’il faut retenir

Le forum Global Gateway réuni à Bruxelles les 9 et 10 octobre 2025 acte le relèvement de l’enveloppe européenne de 300 à 400 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Avec près de 80 milliards déjà engagés, l’Afrique subsaharienne reste la première bénéficiaire. Les dirigeants africains, Cyril Ramaphosa en tête, saluent l’initiative tout en appelant à des investissements réellement transformateurs.

Contexte

Lancée en 2021, la stratégie Global Gateway vise à projeter l’influence économique de l’UE auprès des pays du Sud tout en contrebalançant les offres chinoises. Bruxelles cherche à consolider des chaînes d’approvisionnement sûres et à protéger ses partenaires d’un endettement jugé insoutenable. Cette diplomatie de l’infrastructure s’inscrit dans un climat de crispations géoéconomiques croissantes.

Forum Global Gateway à Bruxelles

La capitale européenne accueille chefs d’État, commissaires, dirigeants d’agences de développement et représentants du secteur privé pour passer en revue les projets en cours. Ursula von der Leyen décrit Global Gateway comme « la boussole de notre politique d’investissement extérieure », insistant sur l’additionnalité des financements et la création d’emplois locaux.

Projets phares du portefeuille africain

Trois emblèmes cristallisent l’offensive européenne : le Corridor de Lobito, futur trait d’union ferroviaire entre Zambie, RDC et Angola vers l’Atlantique ; la Grande Muraille verte, ambitieuse bande de restauration des terres sahéliennes de Dakar à Djibouti ; et l’implantation d’usines BioNTech pour vaccins à ARN messager.

Afrique subsaharienne, première bénéficiaire

Sur les 80 milliards déjà notifiés, plus de la moitié vise des pays d’Afrique subsaharienne. Les montages financiers associent prêts concessionnels, garanties et subventions, combinant ressources de la BEI et des banques de développement européennes. Bruxelles souligne que ces flux doivent encourager la création de valeur sur place plutôt qu’exporter uniquement les matières premières.

Une diplomatie commerciale en mutation

La présidente de la Commission note le retour des tarifs douaniers et des contrôles à l’exportation comme armes géopolitiques. Selon elle, certains investissements étrangers ont « laissé trop de pays accablés par des dettes insoutenables », un message lisible comme un avertissement envers Pékin. L’UE revendique donc une approche « bas carbone, haute gouvernance ».

Appel de Cyril Ramaphosa

Le président sud-africain, actuel dirigeant du G20, accueille favorablement Global Gateway tout en fixant des lignes rouges : « Ces investissements ne doivent pas remplacer une dépendance par une autre ». Il insiste pour que les projets renforcent les capacités industrielles et technologiques africaines et épousent les priorités nationales plutôt que des agendas externes.

Vers un cap de 400 milliards d’euros

Ayant déjà atteint l’objectif initial de 300 milliards, Bruxelles élève la barre à 400 milliards. Les services de la Commission dévoileront début 2026 une feuille de route précisant les répartitions régionales et sectorielles, avec un accent annoncé sur le numérique, l’énergie verte et la santé.

Calendrier

2021 : lancement officiel de Global Gateway. 2023-2024 : premières signatures de conventions pour Lobito et BioNTech. 9-10 octobre 2025 : forum de Bruxelles, relèvement de l’enveloppe. 2026 : publication de la feuille de route actualisée et probable entrée en phase de construction accélérée pour plusieurs tronçons du corridor ferroviaire.

Acteurs

Au-delà de la Commission, la Banque européenne d’investissement, les agences bilatérales comme Expertise France ou GIZ, et de grands groupes européens participent au montage. Côté africain, gouvernements, corridors économiques régionaux et sociétés d’État s’alignent. Les organisations panafricaines et les banques de développement continentales sont sollicitées pour la supervision des normes environnementales.

Partenariats privés et plateforme de financement

Dans un contexte de restrictions budgétaires et de baisse de l’aide publique au développement, l’UE mise sur l’effet de levier du capital privé. Une nouvelle plateforme, lancée à Bruxelles, doit rapprocher promoteurs africains et investisseurs européens, en rationalisant la gestion du risque et en accélérant le bouclage financier des projets.

Scénarios

Si le cap de 400 milliards est tenu, l’Afrique pourrait accroître sa connectivité logistique et numérique tout en consolidant ses chaînes de valeur internes. En revanche, un ralentissement de la conjoncture mondiale ou une concurrence réglementaire exacerbée pourrait retarder les mises en service, réduisant l’impact sur la croissance et les emplois locaux.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.