Ce qu’il faut retenir
Une tête monumentale du Nouvel Empire, saisie par les autorités néerlandaises après un signalement anonyme, sera remise à l’ambassadeur d’Égypte d’ici la fin de l’année. Le geste, salué par La Haye comme un « engagement moral », coïncide avec l’inauguration du Grand Egyptian Museum, nouvelle locomotive du soft power africain.
Diplomatie culturelle et soft power néerlando-égyptien
En annonçant la restitution à Gizeh, le Premier ministre néerlandais sortant Dick Schoof a choisi un symbole fort : plaider pour un commerce de l’art transparent tout en consolidant des liens bilatéraux déjà portés par l’agro-alimentaire et la logistique maritime. Ce rapprochement illustre l’usage croissant du patrimoine comme instrument diplomatique sur le continent.
Le gouvernement néerlandais insiste sur une responsabilité partagée : protéger les œuvres, prévenir les trafics et, lorsque la provenance est illicite, faciliter le retour à l’État d’origine. Ce positionnement rejoint l’agenda africain de restitution défendu par l’Union africaine depuis sa déclaration de Nouakchott de 2018.
Un chef-d’œuvre pharaonique volé durant le Printemps arabe
Sculptée il y a environ 3 500 ans, la pièce représente un dignitaire de la XVIIIᵉ dynastie, sous le règne de Thoutmosis III. Selon l’Inspection néerlandaise de l’information et du patrimoine, elle aurait quitté l’Égypte en 2011 ou 2012, au plus fort des troubles politiques liés au Printemps arabe, moments où les sites archéologiques ont été vulnérables.
Repérée dix ans plus tard dans les allées feutrées de la foire The European Fine Art Foundation à Maastricht, l’œuvre fut retirée de la vente après que le marchand, informé des investigations, l’a remise volontairement aux autorités. Pour Le Caire, la restitution marque une victoire dans la lutte contre les réseaux qui exploitent les périodes d’instabilité.
Le Grand Egyptian Museum, vitrine du patrimoine africain
L’ouverture du complexe de 1,2 milliard de dollars, imaginé dès 1992 mais retardé par la conjoncture, offre à l’Égypte la plus vaste institution muséale d’Afrique. Quelque 100 000 artefacts, dont l’intégralité du trésor de Toutânkhamon, y trouvent un écrin pensé pour attirer sept millions de visiteurs annuels.
Au-delà de son aura touristique, le musée se veut plateforme d’études avancées sur la conservation. Des partenariats avec l’UNESCO et des universités africaines sont en discussion pour former une génération d’experts capables de documenter les biens restitués et de renforcer la diplomatie du patrimoine sur l’ensemble du continent.
Scénarios : vers une nouvelle ère de restitutions
Les égyptologues espèrent que le mouvement lancé par les Pays-Bas fera jurisprudence. Dans leur viseur : la Pierre de Rosette présentée au British Museum. Le ministère égyptien des Antiquités étudie déjà la constitution d’un dossier diplomatique, moins conflictuel que judiciaire, misant sur la pression de l’opinion publique internationale.
Pour l’Afrique, chaque retour nourrit un effet domino. Les pays sahéliens, frappés par l’insécurité, envisagent de réclamer des artefacts médiévaux présents en Europe. À terme, la Banque africaine de développement pourrait financer des centres régionaux de conservation, articulant restitution et développement économique.
Acteurs clés de la restitution
Côté néerlandais, l’Inspection du patrimoine a mené l’enquête, soutenue par le parquet national spécialisé dans le trafic culturel. La European Fine Art Foundation, soucieuse de préserver sa réputation, a collaboré sans réserve. Au Caire, le Conseil suprême des antiquités a coordonné les vérifications de provenance, tandis que l’ambassade d’Égypte à La Haye a préparé les démarches protocolaires.
Calendrier de remise officielle
Selon les autorités néerlandaises, la remise devrait intervenir « d’ici la fin de l’année » lors d’une cérémonie à La Haye. Le chef-d’œuvre rejoindra ensuite les réserves climatisées du Grand Egyptian Museum pour une campagne de restauration estimée à six mois.
L’inauguration publique de la sculpture est programmée pour le début de la prochaine saison touristique. Les autorités égyptiennes comptent capitaliser sur cet événement pour relancer le secteur, sévèrement touché par la pandémie, et afficher la capacité de l’Afrique à protéger, étudier et exposer son propre patrimoine.

