Ce qu’il faut retenir
Le président Hassan Sheikh Mohamud a confirmé, lors du sommet de l’East African Community à Mogadiscio, l’introduction du swahili dans tout le système éducatif somalien. L’initiative, saluée par le ministre de l’Éducation Farah Sheikh Abdulkadir, fait du swahili un levier de rapprochement économique et politique avec les huit membres du bloc est-africain.
- Ce qu’il faut retenir
- Cap sur le swahili : une décision à haute portée stratégique
- Le swahili, atout d’intégration régionale
- Contexte : un pays en reconstruction
- Calendrier : étapes de la réforme scolaire
- Acteurs : un réseau d’appuis régionaux
- Scénarios : impacts économiques attendus
- Une présence côtière historique du swahili
- Le prisme éducatif : défis logistiques et pédagogiques
- Équilibre linguistique et identité nationale
- Diplomatie des langues : soft power en partage
- Perspectives : vers un espace éducatif est-africain
Cap sur le swahili : une décision à haute portée stratégique
Jusqu’ici, l’enseignement secondaire somalien reposait sur l’anglais, tandis que l’arabe demeurait le seul idiome obligatoire. En annonçant que « les universités, surtout l’Université nationale somalienne, doivent développer le swahili », le chef de l’État place la langue véhiculaire d’Afrique de l’Est au cœur de son agenda diplomatique, signe tangible de l’adhésion pleine et entière de la Somalie à l’EAC.
Le swahili, atout d’intégration régionale
Avec plus de 200 millions de locuteurs, le swahili figure parmi les dix langues les plus parlées au monde. Sa diffusion sur les rivages de l’océan Indien en fait le socle linguistique de l’EAC. Pour Mogadiscio, adopter cette lingua franca facilite l’harmonisation des normes commerciales, la mobilité de la main-d’œuvre et l’accès aux programmes régionaux d’infrastructures.
Contexte : un pays en reconstruction
Depuis 1991, la guerre civile puis la lutte contre les jihadistes ont fragmenté la Somalie. L’entrée dans l’EAC l’an dernier ambitionne de transformer un chapitre d’isolement en dynamique de croissance. La diplomatie linguistique apparaît dès lors comme une passerelle soft power vers la stabilité et la relance, sans opposer l’anglais ou l’arabe, toujours enseignés.
Calendrier : étapes de la réforme scolaire
Jusqu’en 2016, l’arabe dominait le primaire et l’anglais le secondaire. La réforme a rétabli le somali comme langue d’apprentissage au premier cycle. La phase annoncée aujourd’hui ouvre un troisième palier : introduire le swahili dans les classes puis le rendre obligatoire à l’université. Les autorités souhaitent pouvoir tenir la prochaine conférence nationale en swahili, selon le ministre Abdulkadir.
Acteurs : un réseau d’appuis régionaux
Le déploiement de la Force de transition de l’Union africaine, composée de contingents kényan, ougandais et burundais, a accéléré la circulation du swahili dans le pays. Les soldats communiquent souvent dans cette langue, familiarisant ainsi les populations locales. Les réfugiés formés dans les écoles kényanes ramènent également le swahili au pays, tissant un pont humain entre Mogadiscio et Nairobi.
Scénarios : impacts économiques attendus
En s’alignant linguistiquement sur ses partenaires, la Somalie espère réduire les coûts de transaction liés au commerce transfrontalier. Les PME exportatrices de bétail, de poisson ou de services numériques pourraient négocier plus aisément sur les places de Mombasa, Arusha ou Dar es-Salaam. À moyen terme, la mesure pourrait stimuler l’attractivité de Mogadiscio pour les investissements intrarégionaux.
Une présence côtière historique du swahili
Le sud somalien côtoie depuis des siècles les comptoirs swahili. Dialects côtiers et emprunts lexicaux témoignent de ces échanges maritimes. La guerre a amplifié ce métissage : nombre de déplacés ont trouvé refuge au Kenya, où ils ont appris le swahili avant de revenir ou d’entretenir des liens économiques avec leurs communautés d’origine.
Le prisme éducatif : défis logistiques et pédagogiques
Introduire une nouvelle langue suppose la formation d’enseignants, l’élaboration de manuels et l’ajustement des examens nationaux. Le gouvernement affiche sa « grande ambition » pour relever ces défis. L’Université nationale somalienne est appelée à piloter la production de supports didactiques en collaboration avec les départements linguistiques des États partenaires de l’EAC.
Équilibre linguistique et identité nationale
La décision ne supprime pas l’usage officiel du somali, langue identitaire qui a retrouvé sa place au primaire. Le choix du swahili s’inscrit plutôt dans une logique de multilinguisme fonctionnel : garder le somali pour la cohésion interne, l’anglais pour l’ouverture globale, l’arabe pour l’héritage religieux, et le swahili pour la coopération régionale.
Diplomatie des langues : soft power en partage
L’EAC considère le swahili comme creuset culturel commun. En se l’appropriant, Mogadiscio projette une image d’État tourné vers la paix et le commerce. La langue devient un instrument d’influence douce, apte à favoriser des coalitions régionales dans les négociations sur la sécurité maritime, la libre circulation ou les projets énergétiques de la côte est-africaine.
Perspectives : vers un espace éducatif est-africain
Si l’initiative réussit, la Somalie pourrait participer plus activement aux programmes d’échange universitaire de l’EAC et mutualiser ses centres de recherche avec ceux de ses voisins. Le président Mohamud voit dans ce chantier linguistique la clé pour insérer durablement la jeunesse somalienne dans les circuits académiques et professionnels de la région, consolidant ainsi l’agenda de reconstruction nationale.

