Ce qu’il faut retenir
Depuis son coup d’État du 5 septembre 2021, le général Mamadi Doumbouya entretient un dialogue feutré mais constant avec Paris, marqué par plusieurs visites techniques et une coopération sécuritaire relancée, selon des sources diplomatiques françaises et guinéennes (Jeune Afrique, RFI).
Ce rapprochement, discret pour ne pas heurter l’opinion guinéenne, s’explique par l’importance stratégique de la bauxite pour les entreprises françaises et par la volonté partagée de contenir l’expansion jihadiste venue du Sahel.
La candidature officielle de Doumbouya au scrutin du 28 décembre pourrait consolider cette entente si la transition électorale se déroule sans heurts et si Conakry maintient ses engagements vis-à-vis de la CEDEAO.
Contexte diplomatique depuis le putsch de 2021
En 2021, Paris avait condamné le renversement d’Alpha Condé tout en évitant des sanctions bilatérales, laissant à la CEDEAO le soin de mener la pression régionale. Cette posture mesurée a facilité la reprise rapide des échanges au niveau militaire et économique (Le Monde, 15 septembre 2021).
Le maintien d’une mission de coopération de défense française à Conakry, axée sur la lutte contre le terrorisme côtier, a offert une plate-forme de contact régulière avec les nouvelles autorités, même lorsque celles-ci se rapprochaient de Bamako et Ouagadougou.
Calendrier électoral et enjeux régionaux
Le premier tour de la présidentielle est fixé au 28 décembre, conformément au chronogramme validé par la CEDEAO en octobre 2023. L’organisation ouest-africaine s’est engagée à lever définitivement ses mesures de gel des avoirs dès la publication d’une liste électorale consensuelle.
Pour Paris, la stabilité de ce calendrier est essentielle afin de sécuriser les investissements dans la bauxite et d’éviter un nouveau foyer de crispation en Afrique de l’Ouest, alors que le Niger et le Mali restent fragilisés par des transitions prolongées.
Acteurs et réseaux
Au sein du Conseil national de la transition, plusieurs conseillers issus de la diaspora française plaident pour un partenariat renforcé avec l’Agence française de développement et Business France, notamment dans l’agro-transformation.
Côté français, l’Élysée suit le dossier guinéen par l’intermédiaire de son conseiller Afrique de l’Ouest, qui entretient un canal direct avec le ministre guinéen des Affaires étrangères Morissanda Kouyaté. Des entreprises comme Vinci et TotalÉnergies, déjà présentes, poussent pour des garanties contractuelles post-électorales.
Scénarios post-électoraux
Un scénario d’élection apaisée ouvrirait la voie à un accord de défense actualisé, incluant la formation des forces spéciales guinéennes et la surveillance maritime du golfe de Guinée. Les bailleurs européens envisageraient alors un retour progressif, conditionné au respect des droits fondamentaux.
En cas de contestation violente, la France pourrait revenir à une posture de « distance constructive », laissant la médiation à la CEDEAO afin d’éviter toute accusation d’ingérence. Les sanctions ciblées resteraient l’option privilégiée pour maintenir la pression.
Regards d’experts
Pour Vincent Foucher, chercheur au CNRS, « la France sait qu’elle n’a pas intérêt à rompre avec Conakry, au risque de pousser Doumbouya dans les bras de nouveaux partenaires plus offensifs ». L’analyste souligne toutefois que le général devra conjuguer ouverture internationale et attentes populaires d’un véritable renouveau politique.
De son côté, une source sécuritaire ouest-africaine rappelle que la Guinée partage près de 1 000 kilomètres de frontières poreuses avec le Mali et la Sierra Leone. « Sans coopération transfrontalière, la présidentielle ne suffira pas à protéger la Guinée des répliques sahéliennes », avertit-elle.

