Maroc-Sahel : la diplomatie d’influence se déploie à Rabat

Jean-Baptiste Ngoma
5 mn de lecture

Ce qu’il faut retenir

Le 2 décembre, Rabat deviendra le carrefour d’une conférence anti-terroriste à laquelle sont conviés les trois pays de l’Alliance des États du Sahel. Selon Africa Intelligence, le rendez-vous confirmera la posture de médiateur adoptée par le Maroc depuis 2023. Abdelmalek Alaoui, président de l’Institut marocain d’intelligence stratégique, souligne que le royaume « s’est imposé comme étant le pays prêt à faire la médiation ».

Contexte sahélien et urgence sécuritaire

La région sahélienne demeure confrontée à une dynamique insécuritaire qualifiée de terroriste par ses gouvernements. L’annonce, relayée par Africa Intelligence et confirmée par Abdelmalek Alaoui, intervient à un moment où les trois membres de l’AES cherchent de nouveaux interlocuteurs extérieurs capables de faciliter une réponse commune à la menace.

Une conférence anti-terroriste à forte valeur politique

Prévue le 2 décembre, la conférence symbolise le rôle que Rabat entend jouer dans la coordination des stratégies régionales. La participation attendue des dirigeants ou émissaires de l’AES, couplée à celle de partenaires européens, devrait donner à l’événement une portée diplomatique qui dépasse le seul registre sécuritaire.

Le corridor atlantique : un projet structurant

Deux ans avant cette initiative, le Maroc a lancé l’idée de relier les pays sahéliens enclavés à la façade atlantique. Porté au plus haut niveau, ce projet ouvre une perspective d’accès maritime directe pour les trois capitales de l’AES et trace un fil conducteur entre développement économique et stabilité.

La médiation marocaine depuis 2023

Depuis l’an dernier, le royaume conduit une médiation entre l’AES et plusieurs pays européens, dont la France. Cette action discrète s’est traduite par des échanges réguliers visant à réduire les malentendus et à explorer des convergences d’intérêts. Abdelmalek Alaoui insiste sur le fait que Rabat « fait le lien » entre des parties qui peinent à dialoguer frontalement.

Acteurs et intérêts convergents

Les trois gouvernements sahéliens recherchent des garanties de soutien hors des cadres habituels. Les chancelleries européennes, pour leur part, voient dans la médiation marocaine un moyen de conserver un canal de communication opérationnel avec l’AES. Le Maroc, enfin, capitalise sur cette conjoncture pour renforcer son image de facilitateur fiable.

Calendrier diplomatique serré

L’échéance du 2 décembre cristallise l’agenda. Avant la conférence, Rabat poursuit des consultations bilatérales avec chaque capitale sahélienne. Après l’événement, une séquence de suivis techniques pourrait s’ouvrir, afin de traduire les annonces en programmes conjoints de lutte contre le terrorisme et de connectivité logistique.

Scénarios de sortie de conférence

Trois pistes se dessinent : un communiqué conjoint sur la coopération sécuritaire, la création d’un groupe de travail dédié au corridor atlantique et la poursuite d’une médiation quadripartite incluant au moins une puissance européenne. Aucune n’est exclue, toutes dépendront de la dynamique que sauront instaurer les délégations présentes à Rabat.

Portée stratégique pour le Maroc

En se positionnant comme interface, le royaume consolide son influence sur deux registres. D’abord, il crédibilise son discours de partenaire sécuritaire. Ensuite, il ancre son projet atlantique dans l’agenda des pays concernés. « Relier le Sahel à l’océan, c’est aussi relier leurs décisions à Rabat », observe Abdelmalek Alaoui.

Regards européens et africains

La France, citée parmi les capitales intéressées, voit dans la médiation marocaine un levier pour maintenir un dialogue que l’actualité rend délicat ailleurs. D’autres partenaires africains suivent également le dossier, percevant la méthode de Rabat comme un modèle de diplomatie pragmatique, axée sur la complémentarité sécuritaire et économique.

Une stratégie d’influence assumée

L’ensemble du dispositif – conférence, corridor, médiation – dessine une approche graduelle fondée sur la confiance d’acteurs divers. En investissant le Sahel sur la durée, le Maroc fait la démonstration qu’une diplomatie en résonance avec les attentes régionales peut aussi servir ses propres ambitions de puissance moyenne.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.