Ce qu’il faut retenir
Le musée régional de Thiès présente jusqu’à la fin de l’année huit pièces capturées pendant la conquête coloniale, prêtées par le musée de Dunkerque. Le projet « Samba Sadio 1875 » associe trois institutions sénégalaises et françaises ainsi que l’association Alter Natives. La restitution définitive dépendra d’une requête officielle de Dakar et d’un vote en France.
- Ce qu’il faut retenir
- Un prêt rarissime salué à Thiès
- Réunir trois musées autour de Samba Sadio
- Lorsque la mémoire familiale rencontre l’histoire
- Les obstacles techniques d’une exposition en région
- Restitution : un horizon encore politique
- Un modèle de coopération culturelle
- Chronologie d’un retour symbolique
- Prochaine étape : Saint-Louis puis Dunkerque
Un prêt rarissime salué à Thiès
Dans la salle fraîchement rénovée du musée de Thiès, la selle attribuée au chef religieux tijane Amadou Cheikhou Ba côtoie une tablette coranique et un talisman. Ces objets, conservés depuis un siècle et demi à Dunkerque, n’avaient jamais foulé le sol sénégalais depuis leur saisie lors de la bataille de 1875 (RFI).
Réunir trois musées autour de Samba Sadio
Initié en 2021, le programme « Samba Sadio 1875 » réunit les musées de Dunkerque, Thiès et Saint-Louis autour d’une convention quadripartite, une première pour ces institutions. Pendant quatre ans, conservateurs, historiens et jeunes bénévoles ont négocié les conditions de prêt, rédigé un récit commun et conçu une scénographie respectueuse des protocoles religieux liés aux artefacts.
Lorsque la mémoire familiale rencontre l’histoire
Parmi les premiers visiteurs figure l’historien retraité Sadick Sall, descendant d’Amadou Cheikhou Ba. En découvrant la selle, il confie ressentir « un vertige intime » à l’idée de tenir le regard de son aïeul disparu sans sépulture. Cette dimension intergénérationnelle nourrit un regain d’intérêt local pour la bataille, autrefois peu étudiée dans les programmes scolaires.
Les obstacles techniques d’une exposition en région
Pour accueillir les pièces, le musée de Thiès a dû se mettre aux normes internationales : installation de déshumidificateurs, contrôle climatique en continu, sécurisation des portes et escorte spécialisée durant le transport. « Ce travail ne se voit pas, mais il est colossal », souligne Emmanuelle Cadet, présidente d’Alter Natives, qui évoque également un financement participatif encore ouvert pour boucler le budget.
Restitution : un horizon encore politique
Le prêt n’équivaut pas à restitution. Conformément au droit public français, les biens restent propriété inaliénable du musée de Dunkerque. Pour un transfert définitif, l’État sénégalais doit formuler une requête officielle, à laquelle l’Assemblée nationale française devra répondre par une loi ad hoc, comme ce fut le cas pour le trésor royal d’Abomey en 2020.
Un modèle de coopération culturelle
Les artisans du projet insistent sur la dimension partenariale plutôt que conflictuelle. Selon Issa Dia, coordinateur sénégalais d’Alter Natives, « la justice passe aussi par la co-construction ». Le dispositif prévoit des ateliers pédagogiques où étudiants en patrimoine dialoguent avec restaurateurs français, posant les bases d’une filière locale de conservation préventive.
Chronologie d’un retour symbolique
La bataille de Samba Sadio, en 1875, oppose les troupes du Damel du Cayor Lat Dior, allié aux forces d’Amadou Cheikhou Ba, à l’armée coloniale. Les objets capturés rejoignent les collections municipales de Dunkerque à la fin du XIXᵉ siècle. En 2021 débute la négociation du prêt, conclu début 2023. L’exposition a été montée en quinze jours par une douzaine de jeunes volontaires.
Prochaine étape : Saint-Louis puis Dunkerque
Après Thiès, les huit artefacts gagneront le musée de Saint-Louis avant de regagner Dunkerque au printemps prochain. Les promoteurs espèrent qu’entre-temps, la dynamique politique autour des restitutions aura progressé. « La balle est dans le camp de nos diplomates », résume un responsable du ministère sénégalais de la Culture, optimiste quant à une demande formelle.

