Ce qu’il faut retenir
Adoptée par 11 voix pour, aucune contre et trois abstentions, la nouvelle résolution du Conseil de sécurité présente le plan d’autonomie de 2007 proposé par Rabat comme « la solution la plus réalisable » pour le Sahara occidental. L’Algérie, partie prenante indirecte du conflit, n’a pas participé au vote.
Maroc : un plan d’autonomie conforté
Présenté il y a seize ans, le plan marocain proposait une large autonomie régionale sous souveraineté nationale, avec parlement et exécutif locaux, compétences partagées en matière économique, sociale et culturelle, et maintien des attributs régaliens à Rabat. La résolution consacre ainsi la vision marocaine sans toutefois enterrer définitivement l’option référendaire.
Pour le palais royal, cette mention onusienne représente un levier diplomatique majeur à l’heure où Rabat tisse des partenariats plus diversifiés, notamment en Afrique subsaharienne. Le texte offre aussi un argument solide auprès d’investisseurs attirés par les projets d’énergie solaire et logistique développés au Sahara atlantique.
Alger : l’abstention silencieuse
L’Algérie, soutien historique du Front Polisario, a quitté la salle au moment du vote. Ce geste, qualifié de « réserve de procédure » par ses diplomates, traduit le rejet de toute formule qui ne conduirait pas à l’autodétermination pleine et entière du peuple sahraoui.
Le choix de l’abstention plutôt que du veto préserve toutefois le dialogue avec Washington et Paris, porteurs du projet de résolution. Alger conserve ainsi une marge de manœuvre pour plaider un processus politique élargi incluant l’organisation d’un référendum, option soutenue par l’Union africaine dans plusieurs communiqués officiels.
Le rôle du Conseil de sécurité
La résolution, adoptée sous chapitre VI, n’impose pas de sanctions mais balise la relance des pourparlers quadripartites Maroc-Polisario-Algérie-Mauritanie. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont défendu un libellé valorisant « le réalisme » et « l’esprit de compromis », formules qui reviennent depuis 2018 dans les documents onusiens traitant du dossier.
Ni la Russie ni la Chine n’ont bloqué le texte, limitant leur intervention à souligner l’importance de « consultations régionales ». Les trois abstentions – possiblement issues d’États latino-américains – reflètent des réserves sur la portée du mot « solution », jugé prématuré tant que la MINURSO demeure contrainte dans son mandat.
Les membres africains élus – actuellement le Gabon, le Ghana et le Mozambique – ont soutenu la résolution, insistant sur la nécessité de solutions « dirigées et appropriées par l’Afrique ». Leur vote illustre la volonté croissante des capitales africaines de peser sur des dossiers longtemps perçus comme réservés aux puissances permanentes.
Enjeux régionaux pour l’UA et la CEMAC
Au-delà du Maghreb, l’adoption de la résolution est scrutée par les capitales d’Afrique centrale, Brazzaville en tête, engagées dans la consolidation de la diplomatie multilatérale africaine. Plusieurs États membres de la CEMAC se sont rapprochés de Rabat pour bénéficier de son expérience en agriculture irriguée et en formation diplomatique.
Dans l’espace sahélo-saharien, la stabilisation du couloir atlantique demeure liée au statut final du territoire. Rabat met en avant ses projets d’interconnexion électrique et portuaire pour convaincre les partenaires d’Afrique de l’Ouest que le plan d’autonomie offrira un cadre juridique sûr aux corridors commerciaux en gestation.
Le Congo-Brazzaville, qui abritera en 2024 un forum sur la gouvernance des ressources naturelles, pourrait inviter des représentants sahraouis et marocains dans un format informel. Cette option, encore exploratoire, confirmerait l’ambition de la diplomatie congolaise de servir de passerelle entre sous-régions et de promouvoir des solutions pacifiques africaines.
Perspectives diplomatiques
Le texte charge l’Envoyé personnel du Secrétaire général, Staffan de Mistura, de réunir les parties « dans un délai raisonnable ». Celui-ci devra traduire la nouvelle donne en feuille de route, depuis l’échange de mesures de confiance jusqu’à la définition d’un calendrier politique réaliste.
Rabat réclame d’ores et déjà des rencontres sur son sol, mesure que le Polisario juge inacceptable sans libération de prisonniers et garanties sur la circulation dans la zone tampon de Guerguerat. Le défi sera donc de maintenir l’élan onusien sans provoquer de surenchère militaire dans la région.
À court terme, le Conseil prévoit un rapport semestriel pour suivre l’application de la résolution. Les chancelleries africaines y verront un espace supplémentaire pour harmoniser leurs positions, dans un contexte où la gestion concertée des crises – du Sahel au Golfe de Guinée – gagne en centralité stratégique.

