Ce qu’il faut retenir
Réunis à Doha en marge du deuxième Sommet mondial pour le développement social, les émissaires du gouvernement congolais et ceux de l’AFC/M23 patientent, faute de texte commun. Le Qatar, hôte de la médiation, redouble d’efforts pour transformer l’annonce faite à Kinshasa en accord tangible, mais le chronomètre diplomatique tourne.
Le pari qatari pour la région des Grands Lacs
Le médiateur qatari s’appuie sur plusieurs leviers : visibilité internationale, discrétion des salles de négociation et accès direct aux chefs d’État concernés. Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani a successivement reçu Félix Tshisekedi, Paul Kagame et William Ruto pour tester leur marge de manœuvre avant de transmettre de nouvelles propositions écrites.
Pour l’instant, l’impasse demeure. « Nous allons signer, oui, mais signer quoi ? », ironise un représentant, cité par RFI. Les divergences se cristallisent autour de la restauration de l’autorité de l’État dans les zones sous contrôle de l’AFC/M23, ce mouvement poursuivant la consolidation d’une administration parallèle jugée inadmissible à Kinshasa.
Le point de blocage sur l’autorité de l’État
Illustration frappante : la publication depuis Doha des résultats d’examens destinés à recruter de futurs magistrats dans les territoires tenus par l’AFC/M23. Ce geste, perçu comme un acte de souveraineté, renforce la méfiance du gouvernement congolais, pour qui tout accord doit rétablir sans ambiguïté la tutelle nationale.
Le différend sur l’autorité étatique dépasse la simple question symbolique. Kinshasa redoute qu’une administration rebelle, même transitoire, fragilise le principe d’unité territoriale inscrit dans la constitution. En face, l’AFC/M23 présente l’enracinement local de ses structures comme gage de stabilité immédiate, arguant que la population aurait besoin de services basiques sans attendre.
Rencontres au sommet dans les couloirs de Doha
Les trois prochains jours sont présentés comme décisifs par les chancelleries, un calendrier serré auquel Washington souscrit également. L’envoyé spécial américain estime novembre crucial et pousse pour qu’un volet économique liant Kinshasa et Kigali soit finalisé simultanément, dans l’espoir de verrouiller des incitations régionales de long terme.
Les rencontres bilatérales menées par l’émir du Qatar avec Félix Tshisekedi, Paul Kagame et William Ruto ont toutes inclus un segment consacré à l’est de la RDC. Aucune déclaration conjointe n’a néanmoins été publiée, détail révélateur de la prudence qui continue d’entourer un équilibre diplomatique encore fragile.
Pressions diplomatiques et calendrier serré
Cette pression externe nourrit néanmoins des résistances internes. À Kinshasa, certains ministres redoutent qu’un accord trop rapide valide de facto les gains territoriaux de l’AFC/M23. Dans le camp rebelle, la crainte inverse domine : rentrer dans le giron national sans garanties suffisantes sur la sécurité de ses cadres et sur le partage institutionnel.
Sur le plan pratique, les délégations se contentent de réunions préparatoires, faute de document de référence. Les négociateurs expliquent qu’ils « attendent les directives de la médiation ». Sans texte, aucun groupe thématique – sécurité, administration ou développement – n’a encore pu se réunir, figeant l’avancée technique du processus.
Scénarios possibles pour la signature
Derrière cette diplomatie active se joue la crédibilité croissante de Doha sur la scène africaine. Une signature rapide renforcerait son image de médiateur, tandis qu’un nouvel ajournement exposerait son engagement médiatique à l’usure.
Faute de progrès tangibles, le statu quo militaire et administratif se prolonge dans l’est congolais. La poursuite du renforcement institutionnel par l’AFC/M23, combinée à l’absence de lignes d’accord, nourrit l’incertitude des populations concernées.
Pour les observateurs, trois chemins se distinguent désormais. Soit un accord minimaliste est paraphé sous quarante-huit heures, ouvrant la voie à des annexes techniques ultérieures ; soit les pourparlers sont prolongés, avec risque d’érosion de confiance ; soit ils se soldent par une suspension, rendant plus probable une reprise des tensions sur le terrain.
Contexte
La médiation qatarie joue donc contre la montre. En œuvrant à la restauration progressive de l’autorité de l’État, tout en ménageant une sortie sécurisée à l’AFC/M23, Doha veut démontrer que la diplomatie par la persévérance peut faire bouger les lignes. Les prochaines heures diront si ce pari inédit portera ses fruits.

