Paris accusée de déstabiliser Malabo: Obiang hausse le ton

Jean-Baptiste Ngoma
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Ce qu’il faut retenir

Teodoro Nguema Obiang Mangue a choisi le réseau social X pour dénoncer ce qu’il décrit comme une « politique de harcèlement systématique » orchestrée par la France. Au cœur de sa colère: la nomination du militant anticorruption Alfredo Okenve au prix franco-allemand des droits de l’homme, perçue à Malabo comme une provocation visant à miner la stabilité nationale.

Contexte diplomatique

Depuis la saisie à Paris d’un immeuble estimé à 100 millions d’euros dans le dossier des biens mal acquis, la relation franco-équato-guinéenne s’est envenimée. Les autorités de Malabo jugent l’action judiciaire française intrusive, tandis que Paris invoque la lutte contre le blanchiment d’argent. Cette divergence de principe nourrit un climat permanent de méfiance.

La distinction accordée à Okenve s’inscrit dans la tradition française de soutien public aux défenseurs des droits humains. En Guinée équatoriale, le militant est toutefois considéré comme un « traître ». Son couronnement à Berlin et Paris remet sur le devant de la scène les accusations de corruption qui visent la haute sphère dirigeante équato-guinéenne.

Pour Teodoro Nguema Obiang, numéro deux de l’État, ce prix dépasse le simple hommage symbolique. Il y voit une tentative d’encourager, selon ses termes, les « instigateurs de haine » et de légitimer des opposants en exil, accusés de propager une image négative du pays sur la scène internationale.

Calendrier des tensions

La remise du prix, annoncée le 18 octobre, intervient alors que le vice-président fait encore l’objet de procédures pour corruption aux États-Unis, au Brésil et en Afrique du Sud. Ces affaires, bien que distinctes, alimentent une impression de harcèlement judiciaire qu’il impute en partie à la diplomatie occidentale.

Par le passé, chaque avancée judiciaire dans l’affaire des biens mal acquis a provoqué une réponse politique de Malabo. Le pavé jeté par Paris et Berlin avec la distinction d’Okenve s’insère dans cette suite chronologique, offrant à Obiang Mangue l’occasion de replacer la question de la souveraineté nationale au centre du débat.

Acteurs en présence

Alfredo Okenve, exilé en Espagne, milite depuis des années contre la corruption et les violations des droits humains dans son pays. Sa voix trouve un relais auprès de chancelleries européennes désireuses d’afficher leur engagement normatif, ce qui renforce sa visibilité internationale malgré son éloignement géographique.

Pour sa part, Teodoro Nguema Obiang Mangue, fils du chef de l’État Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, use d’une tribune numérique largement suivie en Afrique centrale. En épinglant directement Paris, il s’adresse autant à son opinion publique qu’aux partenaires extérieurs, rappelant que l’appui occidental à certains militants peut être perçu comme une ingérence.

Scénarios possibles

Un premier scénario serait le maintien du statu quo, Paris poursuivant sa politique de sanctions ciblées et de gestes symboliques, tandis que Malabo réagit par des déclarations fermes mais sans rupture formelle. Cette dynamique de tension contrôlée prévaudrait alors, chaque capitale jaugeant le seuil de l’escalade acceptable.

Un second scénario impliquerait une accentuation de la confrontation. Malabo pourrait réduire sa coopération bilatérale ou diversifier davantage ses partenariats extérieurs afin de contourner le poids diplomatique français. De son côté, Paris pourrait élargir son soutien à d’autres acteurs de la société civile équato-guinéenne, durcissant l’affrontement rhétorique.

Enfin, un désamorçage reste envisageable si, à l’ombre des caméras, des canaux confidentiels s’activent pour renouer un dialogue pragmatique. Une telle option nécessiterait que les contentieux judiciaires suivent leur cours sans être perçus comme des attaques personnelles, laissant la diplomatie travailler sur des convergences d’intérêts plutôt que sur des postures.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.