Ce qu’il faut retenir
L’extradition vers Ankara d’Abdullah Alp Üstün, surnommé « Don Vito », a mis au jour la détention par le narcotrafiquant d’un passeport diplomatique sierra-léonais. L’affaire s’ajoute à la vidéo montrant, en mars, le Néerlandais Jos Leijdekkers fêtant son anniversaire avec l’ex-directeur de l’immigration à Freetown. Les autorités promettent un audit des documents spéciaux.
- Ce qu’il faut retenir
- Passeports diplomatiques Sierra Leone : nouvelles révélations
- Une faille dans le programme d’attraction des investissements
- La valeur marchande d’un document officiel
- Une guerre nationale contre le « kush » mise à l’épreuve
- Limogeage spectaculaire à l’immigration
- Pressions régionales et internationales
- Géopolitique des passeports en Afrique de l’Ouest
- Quels leviers pour Julius Maada Bio ?
- Acteurs clés du scandale
- Scénarios d’évolution
- Calendrier des prochaines étapes
- Vers une diplomatie préventive renforcée
Passeports diplomatiques Sierra Leone : nouvelles révélations
Dimanche 12 octobre, la police de Dubaï remettait Üstün aux autorités turques après des années de traque internationale. Lors de la perquisition, les enquêteurs ont découvert un passeport diplomatique émis à Freetown, daté de 2023 et revêtu d’un cachet officiel (presse turque). La découverte a immédiatement alerté les chancelleries ouest-africaines.
Une faille dans le programme d’attraction des investissements
Depuis 2019, le gouvernement de Julius Maada Bio mise sur la diplomatie économique pour attirer capitaux et expertise. Des sources sécuritaires évoquent une procédure accélérée permettant d’octroyer des passeports spéciaux aux investisseurs jugés stratégiques. Des intermédiaires peu scrupuleux auraient exploité ces ouvertures pour introduire des profils criminels sous couvert de projets miniers ou agro-industriels (RFI).
La valeur marchande d’un document officiel
D’après plusieurs cabinets de vérification, un passeport diplomatique ouest-africain se négocierait jusqu’à 300 000 dollars sur des plateformes clandestines. Outre l’absence de visa, le titre garantit une certaine immunité, idéale pour faire transiter espèces et substances illicites. La multiplication récente des saisies de cocaïne dans le Golfe de Guinée confirme l’intérêt des cartels pour ces itinéraires discrets.
Une guerre nationale contre le « kush » mise à l’épreuve
Freetown a lancé une campagne de lutte contre le « kush », mélange de résidus de cannabis et d’addictifs chimiques qui ravage la jeunesse urbaine. « Comment prétendre assainir le marché intérieur quand des trafiquants circulent avec des titres diplomatiques ? » interroge l’ONG Bfound, regret tant un « système dévoyé » et fragile face aux grosses enveloppes.
Limogeage spectaculaire à l’immigration
En mars, une vidéo virale montrait le chef du service de l’immigration offrir un présent à Leijdekkers, néerlandais recherché par Europol. Le président Bio avait aussitôt relevé le haut fonctionnaire et nommé un successeur chargé de « nettoyer la maison ». Ce dernier a reçu mandat d’auditer l’ensemble des passeports diplomatiques délivrés depuis cinq ans, une première dans le pays.
Pressions régionales et internationales
La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest suit le dossier de près. Pour Abuja, le scandale risque de saper les efforts collectifs contre les routes de la cocaïne sud-américaine. Interpol, sollicité par la justice turque, envisage de dépêcher des experts en documentologie afin d’établir une cartographie des réseaux d’imprimeurs et d’intermédiaires.
Géopolitique des passeports en Afrique de l’Ouest
Au Liberia voisin, un audit présidentiel avait déjà révélé en 2021 la vente illégale de plus de 4 000 passeports diplomatiques. La Guinée-Bissau, quant à elle, fait face depuis longtemps à la réputation de « narco-État ». La Sierra Leone redoute désormais que son image de destination d’investissement post-Ebola ne soit écornée par l’effet d’amalgame.
Quels leviers pour Julius Maada Bio ?
Le chef de l’État dispose de trois axes : renforcer la loi sur le service extérieur, digitaliser l’authentification des titres et coopérer avec les banques pour tracer les flux suspects. La présidence mise aussi sur la création d’un registre biométrique centralisé, projet soutenu par la Banque africaine de développement, pour couper court aux duplications frauduleuses.
Acteurs clés du scandale
Au cœur du dossier figurent Üstün, spécialiste présumé de la logistique cocaïne Afrique-Europe, et Leijdekkers, réputé pour ses ramifications aux Pays-Bas et en Belgique. Autour d’eux gravitent des consultants, d’anciens agents d’immigration et des notaires locaux chargés de certifier la bonne foi des « investisseurs ». Les auditions du parquet devraient mettre en lumière les responsabilités.
Scénarios d’évolution
Premier scénario : des poursuites pénales aboutissent et dissuadent les imitateurs, consolidant la crédibilité diplomatique de Freetown. Deuxième hypothèse : l’enquête s’enlise, ouvrant la porte à de nouvelles spéculations et à une possible mise sous surveillance renforcée des aéroports sierra-léonais. Enfin, un accord de coopération judiciaire avec Ankara pourrait accélérer les échanges de renseignements sensibles.
Calendrier des prochaines étapes
Le rapport préliminaire de l’audit interne doit être remis au ministre des Affaires étrangères d’ici fin novembre. Début décembre, une session parlementaire extraordinaire examinera un amendement sur la délivrance des documents diplomatiques. Parallèlement, Interpol tiendra à Abidjan son atelier annuel sur la sûreté documentaire, occasion pour Freetown de présenter ses premières mesures correctives.
Vers une diplomatie préventive renforcée
Au-delà du choc médiatique, l’affaire rappelle la nécessité d’une gouvernance migratoire cohérente pour maintenir la confiance des partenaires. La Sierra Leone, dont l’armée contribue aux opérations de paix onusiennes, ne peut se permettre de laisser planer un doute sur l’intégrité de ses sceaux officiels. La crédibilité internationale se joue aussi dans la rigueur administrative quotidienne.

