Ce qu’il faut retenir
L’extension au Sahara occidental du régime douanier préférentiel accordé au Maroc par l’Union européenne est entrée en vigueur le 3 octobre 2024 (Communiqué UE, 6 oct. 2024). Bruxelles et Rabat s’engagent à un étiquetage précis de l’origine des marchandises. Les agriculteurs espagnols dénoncent un contournement de l’arrêt de la Cour de justice européenne de 2023.
- Ce qu’il faut retenir
- Le théâtre géopolitique saharien
- Un compromis douanier millimétré
- Acteurs et lignes de fracture
- Pression sur l’agro-industrie ibérique
- Ressources halieutiques convoitées
- Lecture africaine du dossier
- Agenda institutionnel
- Scénarios d’évolution
- Enjeux pour les investisseurs
- Regard prospectif
Le théâtre géopolitique saharien
Occupé à plus de 80 % par le Maroc depuis 1975, le Sahara occidental reste inscrit par l’ONU sur la liste des territoires non autonomes. Le Front Polisario, soutenu par Alger, contrôle la frange orientale derrière un mur de sable de 2 700 km surveillé par la MINURSO. La question de l’autodétermination demeure la pierre angulaire du différend.
Un compromis douanier millimétré
L’accord paraphaé à Bruxelles étend au Sahara occidental les tarifs réduits applicables aux exportations marocaines de produits agricoles, halieutiques et manufacturés. Les certificats d’origine devront mentionner clairement les localités de production, répondant partiellement aux exigences de traçabilité formulées par la Cour de justice européenne en 2023, sans toutefois requérir le consentement explicite du peuple sahraoui.
Acteurs et lignes de fracture
Côté européen, la Commission a défendu un « arrangement pragmatique » soulignant que 90 % des retombées économiques profitent aux populations locales (Bruxelles, conférence de presse du 6 octobre). Le Front Polisario, lui, dénonce une « violation flagrante du droit international », appuyé par plusieurs ONG qui redoutent une précipitation électoraliste avant les scrutins européens de 2024.
Pression sur l’agro-industrie ibérique
La Fédération espagnole des producteurs exportateurs de fruits et légumes (FEPEX) assure que la tomate marocaine a déjà grignoté un tiers du marché frais espagnol en dix ans. Avec la nouvelle règle, la crainte porte sur une concurrence encore accrue : les volumes importés de tomates en provenance du Maroc ont bondi de 270 % sur la même période, creusant le déficit commercial agricole ibérique.
Ressources halieutiques convoitées
Les eaux riches du littoral saharien représentent près de 15 % des captures marocaines. Les pêcheurs andalous jugent que l’accord sacrifie la durabilité des stocks au profit d’un accès privilégié de Rabat aux marchés communautaires. À Laâyoune, autorités portuaires anticipent au contraire une montée en gamme des infrastructures et un meilleur encadrement sanitaire grâce aux normes européennes.
Lecture africaine du dossier
Plusieurs capitales d’Afrique centrale observent le dossier comme un test de la cohérence européenne sur le droit international. À Brazzaville, des diplomates soulignent discrètement que l’issue juridique pourrait influencer d’autres négociations sur les matières premières forestières et la certification carbone dans le Bassin du Congo, sans toutefois commenter le fond du contentieux entre Rabat et le Polisario.
Agenda institutionnel
L’accord, déjà appliqué à titre provisoire, doit encore franchir le Conseil des ministres de l’UE puis le Parlement européen au premier trimestre 2025. Le Front Polisario prépare un nouveau recours devant la justice luxembourgeoise. Rabat mise sur un vote positif, persuadé que les partenaires européens privilégieront la stabilité maghrébine et la continuité des chaînes d’approvisionnement.
Scénarios d’évolution
Si le texte est invalidé, Bruxelles pourrait négocier un protocole spécifique impliquant directement les représentants sahraouis, option complexe politiquement pour le Maroc. S’il est confirmé, le Polisario intensifiera son lobbying auprès d’États membres pour bloquer tout futur accord sectoriel. Entre-temps, entreprises et douanes devront composer avec des règles d’étiquetage susceptibles de changer à brève échéance.
Enjeux pour les investisseurs
Le statut encore incertain du territoire persuade les multinationales de recourir à des clauses de force majeure. Toutefois, les avantages tarifaires rendent les filières agrumes, tomates et phosphates sahariens plus attractives. Des banques européennes exigent déjà des audits de conformité éthique avant de financer tout projet au-delà du mur de sable. Cet impératif de due diligence ouvre une niche aux cabinets de conseil africains spécialisés.
Regard prospectif
Le compromis UE-Maroc montre qu’un contencieux territorial ancien peut être reconfiguré par des logiques d’approvisionnement et de transition alimentaire. Il bouscule aussi la jurisprudence européenne sur le consentement des populations non autonomes. Pour l’Afrique, où des litiges frontaliers persistent, la leçon est claire : la géo-économie prend souvent le pas sur la géopolitique, sans pour autant la résoudre.

