Ce qu’il faut retenir
La prise d’El-Fasher par les Forces de soutien rapide le 26 octobre a replacé au centre du jeu la question du soutien extérieur dont bénéficie le groupe paramilitaire. Plusieurs rapports internationaux, recoupés par des articles de presse, désignent les Émirats arabes unis comme principal pourvoyeur d’armes des FSR.
Selon The Wall Street Journal, les services de renseignement américains observent depuis le printemps une intensification des flux logistiques au départ d’Abou Dhabi vers les FSR. Ce matériel, potentiellement décisif, alimente un conflit déjà présenté comme l’une des crises humanitaires les plus graves du globe.
El-Fasher sous le choc
Les premières heures ayant suivi l’entrée des FSR dans la capitale du Darfour du Nord ont été jalonnées d’images et de vidéos circulant sur les réseaux sociaux. Bien que la plupart restent à authentifier, elles suggèrent des exécutions sommaires et de probables représailles contre les habitants soupçonnés de loyauté envers l’armée régulière.
Le Humanitarian Research Lab a analysé des clichés satellitaires faisant apparaître des amas de corps et de larges taches sombres assimilées à du sang. Ces éléments, s’ils étaient confirmés, constitueraient un faisceau supplémentaire d’indices attestant d’un massacre ciblé contre les civils de la ville.
Des cargaisons qui interpellent
La question du type d’armements fournis occupe désormais le devant de la scène. The Wall Street Journal mentionne la présence de drones d’origine chinoise ainsi que d’armes légères et de munitions, livrés via un pont aérien depuis Abou Dhabi. Ce flux aurait connu un pic au début de l’été, coïncidant avec la montée en puissance des FSR.
Le journal souligne que ces équipements renforcent « un groupe accusé de génocide », rappelant que les FSR étaient déjà pointées du doigt pour leur rôle présumé dans les violences intercommunautaires au Darfour au cours des deux dernières décennies (Wall Street Journal).
Alertes humanitaires grandissantes
L’ONU, les organisations humanitaires et les think tanks spécialisés redoutent une aggravation de la crise. La chute d’El-Fasher pourrait ouvrir la voie à une extension du front vers d’autres villes du Darfour encore contrôlées par l’armée, avec un risque d’escalade des violences dirigées contre les populations civiles.
Plus de six millions de personnes sont déjà déplacées à l’intérieur du Soudan, selon les agences humanitaires citées par la presse internationale. La poursuite des livraisons d’armes risque d’entraver l’acheminement de l’aide et de compliquer les évacuations médicales, tandis que les couloirs humanitaires demeurent précaires.
Regards croisés de la communauté internationale
Les capitales occidentales s’interrogent sur la meilleure manière de contenir un conflit nourri, affirme-t-on, par des appuis logistiques venus du Golfe. Sans pointer officiellement Abou Dhabi, plusieurs diplomates contactés par la presse estiment que des pressions politiques pourraient être envisagées pour tarir les flux d’armes.
Le rôle des organisations régionales est également scruté. L’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine ont multiplié les appels au cessez-le-feu, mais leurs marges de manœuvre restent limitées tant que les fournisseurs extérieurs pèsent sur le rapport de forces militaire.
Acteurs en présence
Face aux FSR, l’armée soudanaise se retrouve cantonnée à des bastions qu’elle tente de défendre avec des moyens parfois décrits comme insuffisants. La situation interne du pays, marquée par une transition politique avortée, a affaibli les capacités de commandement et de mobilisation de troupes régulières.
Pour les Émirats arabes unis, accusés par plusieurs observateurs d’agir comme principal soutien, les motivations avancées vont de la quête d’influence géostratégique en mer Rouge à la sécurisation de réseaux commerciaux régionaux. Officiellement, Abou Dhabi ne reconnaît pas ces accusations et affiche sa volonté de voir le conflit prendre fin.
Calendrier d’une escalade
Le 26 octobre marque un tournant tactique avec la prise d’El-Fasher, mais les services de renseignement cités par le Wall Street Journal remontent l’accélération des livraisons d’armes au printemps. L’offensive paramilitaire aurait donc été planifiée de longue date, profitant de fenêtres logistiques identifiées par les fournisseurs.
Depuis la mi-été, la densité des vols cargo en provenance du Golfe, relayée dans la presse, s’est maintenue malgré les récriminations diplomatiques. Aucun signal tangible de ralentissement n’a pour l’instant été détecté par les analystes mobilisés sur les données de trafic aérien.
Scénarios possibles
Un premier scénario verrait l’armée soudanaise réussir à stabiliser un front défensif, à condition de recevoir un appui international proportionné. À l’inverse, la poursuite des livraisons émiraties pourrait permettre aux FSR d’étendre leur contrôle vers le Darfour central, puis vers Khartoum, accroissant la fragmentation du pays.
La multiplication d’images de victimes civiles pourrait catalyser des sanctions ciblées contre les acteurs extérieurs accusés de nourrir la guerre. Un troisième scénario, moins probable à court terme, serait celui d’une médiation régionale effective débouchant sur un compromis politique, mais il supposerait la suspension préalable du soutien militaire au terrain.

