Soutien FMI au Sénégal : un signal de relance sous conditions

Jean-Baptiste Ngoma
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Ce qu’il faut retenir

Le Fonds monétaire international vient de se déclarer disposé à soutenir un nouveau programme économique pour le Sénégal, interrompu depuis septembre 2024 à la suite de la découverte d’une dette non déclarée. L’institution salue la transparence retrouvée de Dakar tout en maintenant des exigences strictes avant tout décaissement (Reuters, RFI).

Cette ouverture, qui sera formalisée lors des assemblées annuelles FMI-Banque mondiale mi-octobre, vise à consolider la stabilité macroéconomique et à accélérer des réformes déjà engagées. Les autorités sénégalaises entendent en faire un levier pour restaurer la confiance des marchés et relancer une croissance attendue à plus de 6 % dès 2025.

Contexte : la dette cachée de 2024

Le précédent programme, approuvé en 2021, avait été suspendu quand un audit du cabinet Forvis-Mazars révéla environ 2 800 milliards de francs CFA de passifs hors bilan, faisant bondir la dette publique à près de 119 % du PIB. La polémique avait ébranlé la réputation de gouvernance du pays, jusque-là considéré comme bon élève de l’UEMOA.

Depuis, le gouvernement a engagé un plan de redressement économique et social reposant sur plus de 5 000 milliards de francs CFA de ressources internes et une rationalisation des engagements extérieurs. Les premières mesures ont consisté à centraliser l’émission de dettes, publier la liste complète des garanties d’État et renforcer le contrôle parlementaire.

Calendrier des négociations

Le ministère des Finances et le bureau de la représentante résident du FMI à Dakar finalisent actuellement le cadre macroéconomique qui sera présenté aux services centraux à Washington. L’objectif est d’obtenir un accord de principe avant la fin de l’année, permettant un premier décaissement au premier trimestre 2025, sous réserve du feu vert du Conseil d’administration.

Une mission préparatoire est attendue début septembre pour passer en revue les indicateurs clés : trajectoire de dette sur vingt ans, mobilisation fiscale, dépenses sociales prioritaires et stratégie énergétique. Les conclusions de cette mission orienteront le volume et la nature de l’appui : Facilité élargie de crédit, Instrument de coordination des politiques ou un mixte des deux, selon des sources proches du dossier.

Les attentes de Dakar

Pour les autorités sénégalaises, le retour d’un programme FMI vise d’abord à ancrer les anticipations des investisseurs. En 2023, la prime de risque souverain avait bondi de 250 points de base après la suspension, rendant plus coûteuse toute levée sur les marchés internationaux. Un accord signalerait que la trajectoire budgétaire est de nouveau sous contrôle.

Parallèlement, le gouvernement compte sur la crédibilité du FMI pour attirer des financements concessionnels destinés au Plan Sénégal Émergent, en particulier dans les secteurs des infrastructures, de l’éducation et de la transition énergétique. La découverte de pétrole et de gaz offshore impose des règles de bonne gestion des recettes futures, un domaine où les conseils du Fonds sont jugés stratégiques.

Les conditions du FMI

Kristalina Georgieva a salué « l’engagement renouvelé pour la transparence », tout en rappelant que certains critères restent à remplir. Le Fonds exige notamment l’inclusion systématique des entreprises publiques dans le périmètre de la dette, la publication trimestrielle des garanties adossées à l’État et la mise en place d’un plafond légal d’endettement.

Dakar doit également renforcer l’administration fiscale pour porter le taux de pression à 20 % du PIB, contre 15 % actuellement, et cibler les subventions énergétiques vers les ménages vulnérables. Une loi de finances rectificative sera déposée à l’Assemblée afin d’intégrer ces engagements, tandis qu’un audit indépendant des contrats publics doit être lancé avant décembre.

Scénarios de sortie de crise

Si le programme est approuvé et que les indicateurs de performance sont atteints, l’encours de la dette pourrait retomber sous le seuil de 70 % du PIB en 2028, selon des projections partagées par le ministère des Finances. Les flux d’investissements directs étrangers, en recul de 12 % en 2023, pourraient repartir à la hausse grâce à une notation souveraine stabilisée.

En cas d’échec des négociations ou de non-respect des critères, l’alternative consisterait à solliciter le marché régional de l’UEMOA et la Banque africaine de développement, mais à des taux plus élevés. Pour l’instant, les autorités misent sur une sortie par le haut, convaincues que la publication complète des passifs a levé le principal obstacle à la confiance des bailleurs.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.