Ce qu’il faut retenir
Dans les camps sahraouis de Tindouf, la malnutrition atteint un niveau critique ; une étude de l’University College London révèle qu’un enfant sur dix souffre de malnutrition aiguë. Les financements humanitaires s’amenuisent alors que la mobilisation diplomatique pour l’indépendance du Sahara occidental se tasse. Des initiatives de proximité, à l’image d’une bibliothèque devenue épicerie solidaire, pallient les carences alimentaires et entretiennent l’espoir.
- Ce qu’il faut retenir
- Diplomatie du Sahara occidental : un soutien en reflux
- Crise alimentaire sans précédent
- Contexte
- Initiatives communautaires : la bibliothèque solidaire
- Calendrier
- Sous-alimentation, obésité et diabète : un triptyque paradoxal
- Acteurs
- Financements en berne : les raisons d’un décrochage
- Scénarios
- Regards croisés africains
- Perspectives
Diplomatie du Sahara occidental : un soutien en reflux
Longtemps portée par des capitales occidentales, la question sahraouie ne suscite plus le même écho dans les enceintes internationales, où les urgences climatiques ou ukrainiennes captent désormais l’attention. Les récentes reconnaissances de la souveraineté marocaine par certains États ont fragilisé le réseau d’alliés diplomatiques du Front Polisario, tout en compliquant la tâche médiatrice des Nations unies (ONU, 2024).
Crise alimentaire sans précédent
Depuis le pic enregistré en 2010, les indicateurs nutritionnels se sont encore détériorés : sept femmes sahraouies sur dix sont anémiques et près de 90 % de la population vit en insécurité alimentaire (UCL, 2023). Le Programme alimentaire mondial admet des ruptures récurrentes dans la distribution de céréales, tandis que la hausse des prix mondiaux limite les compléments protéiques autrefois fournis.
Contexte
Les quatre principaux camps – Smara, Dakhla, Aousserd et El-Ayoun – accueillent environ 175 000 personnes selon le HCR. Isolés dans le désert hammada, ils dépendent quasi entièrement des convois humanitaires acheminés depuis Oran. L’Algérie assure la tutelle logistique et diplomatique, accueillant également les bureaux du Front Polisario, reconnu par l’Union africaine comme représentant légitime du peuple sahraoui.
Initiatives communautaires : la bibliothèque solidaire
À Smara, trois jeunes diplômés ont transformé une modeste bibliothèque en plateforme d’entraide. Les familles y empruntent un livre et repartent avec un panier de légumes issus des potagers collectifs alentour. « Nous voulons nourrir l’esprit et le corps », confie l’un des fondateurs, soulignant que 60 % des dons proviennent désormais de la diaspora sahraouie installée en Europe.
Calendrier
Le mandat de la MINURSO, renouvelé chaque année en octobre, reste l’unique processus onusien actif pour un référendum d’autodétermination. En août prochain, l’Allemagne a prévu d’accueillir une conférence de bailleurs destinée à stabiliser le financement 2025-2027 de l’aide alimentaire. De leur côté, les communautés sahraouies organisent en décembre les traditionnelles « Semaines de la lecture », vitrine des initiatives locales.
Sous-alimentation, obésité et diabète : un triptyque paradoxal
La pénurie de protéines animales coexiste avec un apport excessif en sucres rapides, conséquence de la dépendance aux denrées transformées. L’Organisation mondiale de la santé a ainsi relevé une progression de 12 % du diabète de type 2 chez les adultes réfugiés entre 2018 et 2022, signe d’une malnutrition dite « double charge ». Les programmes nutritionnels ciblés restent sous-financés.
Acteurs
Outre le Croissant-Rouge sahraoui, l’ONG espagnole Médicos del Mundo coordonne les missions de dépistage pédiatrique. La coopération algéro-cubaine, moins médiatisée, envoie chaque année une dizaine de médecins spécialisés. Les diocèses catholiques d’Oran et d’Alger collectent des fonds auprès de paroisses européennes, illustrant une solidarité transconfessionnelle peu connue du grand public.
Financements en berne : les raisons d’un décrochage
La fragmentation de l’aide s’explique par la multiplication des crises concurrentes, du Sahel à Gaza, et par une inflation logistique grignotant les budgets. Washington a réduit de 12 % son enveloppe 2024 pour les réfugiés sahraouis, préférant concentrer ses contributions sur l’Ukraine. L’Union européenne, principal donateur historique, a réorienté partiellement ses lignes vers la transition énergétique nord-africaine.
Scénarios
Trois trajectoires se dessinent. Le statu quo humanitaire prolongerait la dépendance et l’exil. Un rebond diplomatique, impulsé par l’Union africaine, pourrait rouvrir les pourparlers quadripartites Alger-Rabat-Polisario-ONU et ainsi débloquer l’accès à des financements de développement. Enfin, l’option la plus avancée sur le terrain reste celle du renforcement des économies de subsistance et des chaînes courtes impulsées par les réfugiés eux-mêmes.
Regards croisés africains
La Communauté des États sahélo-sahariens, préoccupée par la porosité des frontières et la circulation d’armes légères, suit de près les dynamiques à Tindouf. Dakar, Pretoria et Abuja, favorables au droit à l’autodétermination, plaident pour une médiation africaine rénovée. Ces positions contrastent avec celles de Rabat et ses alliés, reflétant un continent partagé mais encore disposé à dialoguer.
Perspectives
La force des initiatives locales rappelle que, malgré la sécheresse diplomatique, la société sahraouie demeure inventive. Si l’action internationale se rétracte, les solidarités endogènes et diasporiques gagneront en centralité. Pour les bailleurs, reconnaître et financer ces dispositifs pourrait représenter une voie intermédiaire entre urgence humanitaire et développement durable, tout en maintenant ouverte la fenêtre politique vers une solution négociée.

