Ce qu’il faut retenir
L’escale du porte-hélicoptère français Tonnerre à Libreville marque un jalon symbolique pour la sécurisation du golfe de Guinée. Entre exercices conjoints, démonstration de drones et négociations pour un hélicoptère NH90, la coopération navale France-Gabon illustre la montée en gamme des moyens africains contre piraterie, braconnage et trafics.
- Ce qu’il faut retenir
- Déploiement du Tonnerre au Gabon
- Drones et embarcations de nouvelle génération
- NH90, vitrine technologique et négociation à Libreville
- Golfe de Guinée : un risque en mutation
- Architecture de Yaoundé et rôle de la CEMAC
- Enjeux pour le Congo-Brazzaville voisin
- Intérêt stratégique français et Mission Corymbe
- Scénarios d’évolution des capacités maritimes régionales
- Calendrier des prochaines étapes
- Acteurs impliqués
- Financement bleu pour la défense côtière
Evoquées par des officiers gabonais, ces avancées s’inscrivent dans un contexte où les incidents maritimes ont chuté de 82 % depuis 2020 selon le Bureau maritime international, mais restent préoccupants au large du Nigeria, du Cameroun et du Congo (IMB, rapport 2023).
Déploiement du Tonnerre au Gabon
Le bâtiment amphibie Tonnerre, navire amiral de la mission Corymbe 163, patrouille depuis janvier dans les eaux du golfe pour soutenir les États riverains. Son escale de quatre jours à Libreville a permis une série d’entrainements conjoints mêlant boarding team gabonaise et fusiliers marins français, en présence d’observateurs de la CEDEAO.
Selon le porte-parole de l’état-major français, l’objectif principal est de « raffiner l’interopérabilité et tester la chaîne de réaction face à une alerte piraterie », dans le cadre du Concept d’opération maritime collectif adopté à Yaoundé en 2013 (ministère des Armées).
Drones et embarcations de nouvelle génération
D’une envergure d’à peine deux mètres, le drone présenté au camp Acaé peut rester quarante-cinq minutes en vol et transmettre en temps réel des images diurnes, nocturnes ou thermiques. Cette capacité intéresse Libreville pour surveiller les 85 % de forêt équatoriale et repérer orpailleurs clandestins sur l’axe Ogooué-Ivindo.
Deux embarcations semi-rigides de type ECUME ont également montré leur aptitude à approcher les plages et mangroves sans être détectées, une priorité pour juguler le trafic de pangolin et de carburant souvent organisé depuis la frontière sud-gabonaise.
NH90, vitrine technologique et négociation à Libreville
Vedette de la journée, l’hélicoptère NH90 a effectué un vol de démonstration au-dessus de l’estuaire. Doté d’un radar de 555 kilomètres et d’un treuil de sauvetage, l’appareil peut arraisonner un navire suspect en moins de vingt minutes. Des sources militaires confirment que des pourparlers sont ouverts pour l’acquisition d’un exemplaire par le Gabon.
Golfe de Guinée : un risque en mutation
Le golfe de Guinée concentre désormais à peine 13 % des actes de piraterie recensés dans le monde, contre 90 % en 2020, mais les attaques se déplacent vers des eaux plus au sud, près de São Tomé ou du cabotage camerounais. Les armateurs restent prudents et maintiennent des primes d’assurance élevées (IMB, 2023).
Architecture de Yaoundé et rôle de la CEMAC
L’Architecture de Yaoundé, articulée autour des centres CRESMAO et CRESMAC, permet des échanges d’information en temps quasi réel entre marines du golfe. L’exercice avec le Tonnerre a testé le segment tactique : communication VHF sécurisée, partage d’images drone et remontée d’alerte vers la Cellule de coordination régionale de Pointe-Noire.
Enjeux pour le Congo-Brazzaville voisin
Pour Brazzaville, qui modernise actuellement la Base navale de Mpila avec un financement coréen, ces retours d’expérience sont suivis de près. Le Congo réfléchit à louer ponctuellement des drones légers afin de protéger ses terminaux pétroliers de Djeno et de la Loango, complémentaires au patrouilleur P400 déjà basé à Pointe-Noire.
Intérêt stratégique français et Mission Corymbe
L’opération Corymbe, déployée en permanence depuis 1990, représente l’un des volets les plus anciens du dispositif français de présence avancée. Paris insiste sur la notion de « sécurité coopérative », concept désormais repris par l’Union africaine dans la stratégie intégrée pour les mers africaines, adoptée à Addis-Abeba en 2019.
Scénarios d’évolution des capacités maritimes régionales
Si les négociations aboutissent, Libreville pourrait réceptionner un NH90 d’ici 2026 et adapter le futur patrouilleur OPV 58S attendu la même année. Les experts évoquent un modèle de mutualisation permettant au Gabon, au Congo et au Cameroun de déployer leurs hélicoptères depuis un seul bâtiment logistique régional, réduisant les coûts de maintenance.
Calendrier des prochaines étapes
La marine gabonaise a programmé un deuxième exercice conjoint, baptisé Nkouma 24, pour septembre. Cette séquence doit tester l’interception d’un chalutier factice parti des eaux congolaises et transporter du carburant de contrebande. Un officier gabonais estime que « l’adhésion des pêcheurs artisanaux à la veille communautaire sera déterminante ».
Acteurs impliqués
Outre la France et le Gabon, la manœuvre a mobilisé l’Institut maritime du Golfe de Guinée, la société Petrorabia opérant au terminal de Cap Lopez et le Centre régional de sécurité maritime de Pointe-Noire. Les observateurs saluent cette diversité qui associe compagnies pétrolières, administrations portuaires et communautés locales dans une approche tout-risques.
Financement bleu pour la défense côtière
Selon la Direction générale du budget gabonaise, la modernisation navale pourrait mobiliser 120 millions de dollars sur cinq ans, cofinancés par un prêt syndiqué d’Eximbank China et un futur titre bleu émis à la Bourse de Londres. Libreville espère ainsi coupler défense maritime et finance durable orientée vers la préservation des mangroves.

