TotalEnergies relance son méga-projet LNG au Mozambique

Jean-Baptiste Ngoma
4 mn de lecture

Ce qu’il faut retenir

TotalEnergies a confirmé le 25 octobre 2025 à l’AFP la relance prochaine de son projet Mozambique LNG, suspendu depuis l’attaque jihadiste de Palma en 2021. La levée de la force majeure amorce un investissement de 20 milliards de dollars pour une exploitation espérée en 2029, appuyée par le chef de l’État, Daniel Chapo.

Sécurité : lever l’hypothèque jihadiste

L’incursion armée de 2021, qui avait causé plus de 800 morts à Palma, avait brutalement interrompu le chantier de Cabo Delgado. En levant la force majeure, TotalEnergies acte que la situation sécuritaire s’est stabilisée au point de permettre le retour des équipes et des sous-traitants.

L’enjeu reste néanmoins élevé : la province demeure marquée par des poches d’instabilité. Les autorités, tout comme le consortium, savent que le redémarrage sera scruté comme baromètre de la confiance internationale dans la réponse sécuritaire mozambicaine.

Poids économique d’un investissement à 20 milliards

Mozambique LNG constitue l’un des plus importants engagements financiers privés sur le continent. Les 20 milliards $ mobilisés devraient irriguer l’économie locale, des infrastructures portuaires aux emplois spécialisés, et accroître les recettes fiscales du Mozambique.

En repositionnant Cabo Delgado sur la carte mondiale du GNL, le projet pourrait aussi attirer des capitaux annexes dans les services, la logistique ou l’électricité, créant un effet levier inédit pour la région septentrionale du pays.

Calendrier industriel jusqu’à 2029

TotalEnergies vise un démarrage commercial dans quatre ans. Les prochaines étapes incluent le feu vert formel des autorités, les travaux de remise en état des installations et la mobilisation de la chaîne contractuelle, interrompue depuis plus de trois ans.

Le président Daniel Chapo s’est personnellement engagé à accélérer les procédures administratives. Son objectif plus large est de relancer l’ensemble du secteur gazier, comme le montre l’accord signé début octobre avec ENI pour la plateforme offshore Coral Sul, attendue en 2028.

Acteurs : un jeu régional et mondial

Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, pilote un consortium où figurent plusieurs partenaires asiatiques et financiers internationaux. Leur décision était également observée par Exxon Mobil, qui temporise encore sur le projet Rovuma LNG à la frontière tanzanienne.

Le voyage du président mozambicain aux États-Unis, avec un passage annoncé au siège d’Exxon Mobil, signale la volonté de boucler la boucle : un redémarrage effectif de TotalEnergies pourrait débloquer d’autres engagements et raffermir la place du Mozambique sur l’échiquier énergétique mondial.

Enjeux climatiques et pressions sociétales

Les organisations de défense de l’environnement critiquent la multiplication des projets gaziers, à rebours des objectifs climatiques globaux. Des ONG locales dénoncent aussi des allégations de violations de droits humains attribuées à des militaires déployés pour sécuriser la zone.

TotalEnergies et Maputo insistent, eux, sur la contribution potentielle du GNL à la transition énergétique, arguant que le gaz peut remplacer des combustibles plus carbonés tout en générant des recettes indispensables au développement national.

Scénarios pour la chaîne gazière africaine

Si le calendrier est tenu, Mozambique LNG livrera ses premières cargaisons en 2029, modifiant les flux mondiaux de GNL. Le projet pourrait doubler la production actuelle du pays lorsque Coral Sul entrera en service, créant un hub gazier d’envergure en Afrique australe.

À plus long terme, la consolidation des investissements d’ENI, TotalEnergies et, potentiellement, Exxon Mobil pourrait peser sur les équilibres régionaux de l’énergie, offrant au Mozambique un levier diplomatique accru alors que les marchés cherchent de nouveaux fournisseurs stables et compétitifs.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.