Ce qu’il faut retenir
Sur le plateau de « 60 Minutes Overtime », Steve Witkoff a déclaré que son équipe pouvait arracher, en soixante jours, un accord bilatéral entre Rabat et Alger. L’annonce, relayée aux côtés de Jared Kushner, surprend tant la querelle sur le Sahara occidental est ancienne et sensible. La presse algérienne s’interroge sur la portée réelle d’un engagement porté par deux personnalités sans mandat officiel dans l’administration américaine actuelle.
Contexte régional tendu
Depuis 1979, le Maroc administre de facto le Sahara occidental tandis que l’Algérie soutient l’autodétermination défendue par le Front Polisario. Les frontières terrestres marocaines et algériennes demeurent fermées, et les instances régionales demeurent incapables de rapprocher les positions antagonistes. Chaque capitale campe sur ses lignes rouges, faisant de l’impasse saharienne l’un des plus longs contentieux du Maghreb.
L’offre américaine expliquée
Steve Witkoff évoque un « accord » sans livrer de détails sur sa nature exacte ni sur les concessions envisagées par les protagonistes. La promesse, formulée devant les caméras américaines, s’appuie davantage sur l’activisme diplomatique que Donald Trump revendique au Moyen-Orient que sur un mandat institutionnel formel. Jared Kushner, artisan des accords d’Abraham, cautionne la démarche sans préciser le rôle qu’il jouerait cette fois-ci.
Calendrier diplomatique flou
Le délai de soixante jours avancé par Witkoff crée un horizon médiatique, mais aucun agenda officiel marocain ou algérien ne confirme l’imminence d’une table ronde. Les chancelleries régionales n’ont pas été saisies d’une initiative structurée. Entre le temps long des médiations onusiennes et la rapidité promise par Washington, l’écart nourrit un scepticisme prudent dans les capitales concernées.
Acteurs et motivations
Rabat recherche une reconnaissance internationale de sa souveraineté sur le Sahara occidental pour conforter ses investissements dans la zone. Alger, quant à elle, défend le principe d’autodétermination et l’influence régionale que lui confère son soutien au Polisario. Du côté américain, la proximité des deux émissaires avec le milieu des affaires new-yorkais et leur inscription dans la galaxie Trump suggèrent un mélange d’intuition politique et d’exposition médiatique.
Réactions côté algérien
Le Matin d’Algérie voit dans l’hypothèse d’un accord « un tournant historique », tout en rappelant que ni Witkoff ni Kushner ne détiennent, aujourd’hui, de portefeuille ministériel. TSA qualifie la sortie de l’envoyé de « étrange », insistant sur l’absence de toute concertation préalable avec les autorités algériennes. Ce scepticisme traduit la prudence d’Alger face aux annonces unilatérales.
Réserves à Rabat
Aucune source gouvernementale marocaine n’a commenté officiellement l’intervention de Witkoff. La diplomatie chérifienne privilégie en général les canaux bilatéraux discrets et le cadre onusien. Accueillir à bras ouverts une initiative extra-régionale sans contours précis pourrait fragiliser sa stratégie de légitimation progressive. Le silence officieux laisse entendre que Rabat mesure la faisabilité réelle de l’offre américaine.
Scénarios prospectifs
Plusieurs issues se dessinent. Un premier scénario miserait sur un règlement partiel, axé sur la réouverture de la frontière terrestre, gage de confiance sans toucher au statut final du Sahara occidental. Un second reposerait sur une autonomisation du territoire sous souveraineté marocaine, proposition récurrente de Rabat. Un troisième, plus improbable dans l’immédiat, verrait l’autodétermination progressiste du Polisario acceptée par tous.
Le rôle de la communauté internationale
Les Nations unies supervisent le processus depuis des décennies à travers la MINURSO. L’annonce de Witkoff ne mentionne pas l’ONU, ce qui interroge sur la compatibilité de l’initiative avec les résolutions en vigueur. L’Union africaine, tout comme l’Union européenne, reste attentive à toute démarche susceptible de bouleverser un équilibre déjà fragile.
Impact sur la sécurité régionale
Une détente maroco-algérienne ouvrirait la voie à une coopération sécuritaire accrue, indispensable face aux menaces sahéliennes et aux trafics transfrontaliers. La normalisation pourrait également libérer des synergies économiques précieuses, attendues par les opérateurs portuaires et énergétiques des deux rives du Maghreb. À l’inverse, une annonce sans lendemain renforcerait la méfiance et l’immobilisme.
Prudence méthodologique
La diplomatie conçue comme un « deal » rapide s’accommode mal des enjeux identitaires enracinés dans l’histoire coloniale. Les médiations précédentes montrent que toute avancée requiert un format multipartite robuste et une patience institutionnelle. En se projetant sur un calendrier court, Witkoff mise sur l’effet d’annonce, mais s’expose à l’écueil des attentes déçues.
Épilogue ouvert
À ce stade, l’intervention de Witkoff rappelle les fulgurances médiatiques qui ont ponctué les mandats de Donald Trump. Qu’elle débouche ou non sur une initiative formelle, elle signale le retour périodique de la question saharienne dans l’agenda de puissances tierces. Les capitales maghrébines évaluent, en silence, l’opportunité de transformer cette surprise américaine en levier diplomatique durable.

