Washington trace les lignes d’une paix RD Congo–Rwanda

Jean-Baptiste Ngoma
5 mn de lecture

Ce qu’il faut retenir

Le Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité (JSCM) s’est réuni les 21 et 22 octobre 2025 à Washington. Délégués de la RDC, du Rwanda, des États-Unis, du Qatar et de l’Union africaine ont cherché à mettre en musique l’accord de paix signé le 27 juin. Les discussions progressent, mais les violences demeurent, notamment autour des FDLR.

Contexte régional sous tension

Conclusion d’une trêve le 27 juin, reprise d’attaques quelques semaines plus tard : le cycle reste fragile. À Kinshasa, l’armée congolaise reproche aux rebelles M23 leur proximité supposée avec Kigali, tandis que Kigali exige la neutralisation des FDLR. Le JSCM s’impose dès lors comme la principale instance de dialogue technique et politique entre les deux capitales.

Calendrier diplomatique chargé

Washington accueillait la troisième session après deux cycles tenus à Doha. Les participants ont fixé une nouvelle évaluation les 19 et 20 novembre. Entre-temps, chaque partie doit affiner des « actions spécifiques » contre les FDLR et préparer la levée graduelle des mesures défensives rwandaises, sans préciser d’échéances opérationnelles.

Acteurs au tour de table

La RDC était représentée par des responsables du Conseil national de sécurité, tandis que le Rwanda dépêchait des hauts gradés de la Défense. Les États-Unis, hôtes, jouaient le rôle de facilitateur, épaulés par le Qatar, discret bailleur de la première heure. L’Union africaine venait rappeler que la stabilité des Grands Lacs demeure une priorité continentale.

Analyse des menaces partagée

La première phase des pourparlers a porté sur les cartographies de groupes armés. Un consensus s’est dégagé sur la nécessité d’isoler les FDLR, mais des divergences subsistent quant au séquençage des opérations. « C’est un travail technique », confie un diplomate impliqué, estimant qu’aucune « décision spectaculaire » ne devait être attendue à ce stade.

Scénarios de neutralisation des FDLR

Kinshasa préfère une campagne d’incitation à la reddition, qu’elle affirme déjà conduire. Kigali, de son côté, prône des actions militaires ciblées. Le compromis évoqué à Washington miserait sur une combinaison : fenêtres de désarmement volontaire suivies d’opérations coercitives en cas de refus. Les modalités de commandement restent à rédiger.

Perceptions sur le terrain

À l’Est, l’AFC/M23 accuse toujours l’armée congolaise de collusion avec les FDLR, tandis que les FARDC dénoncent des incursions transfrontalières rwandaises. Cet échange de griefs nourrit un climat de méfiance qui complique la mise en œuvre des décisions prises dans les salles feutrées de Washington ou Doha.

Enjeux sécuritaires pour la région des Grands Lacs

La persistance des FDLR équilibre précaire et déplacements massifs de civils figure parmi les principaux risques évoqués par les experts militaires présents. Chaque retard dans l’application de l’accord de juin entretient la possibilité d’une escalade dépassant le seul théâtre congolais et fragilisant les mécanismes de sécurité collective africains.

Rôle catalyseur des partenaires externes

Les États-Unis se veulent garants de la dynamique enclenchée, misant sur leur puissance de convocation. Le Qatar offre une médiation discrète et un carnet de chèques utile pour financer des programmes DDR. L’Union africaine, enfin, veille à maintenir la cohérence avec les cadres adoptés par le Conseil de paix et de sécurité.

Perspectives à court terme

L’échéance de novembre servira de test de crédibilité. Un calendrier précis de neutralisation des FDLR et des modalités de retrait des forces rwandaises de leurs positions défensives est attendu pour convaincre les communautés affectées. À défaut, les attaques risquent de délégitimer le JSCM et de renvoyer les protagonistes à une logique d’autodéfense.

Observation stratégique

La réunion de Washington ne livre pas de « photo finish », mais elle renforce un espace de discussion jusque-là dispersé entre capitales régionales. Reste à savoir si l’élan sera maintenu face aux épreuves du terrain. Le succès du JSCM dépendra de sa capacité à traduire des intentions politiques en garanties de sécurité visibles pour les populations.

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Jean-Baptiste Ngoma est éditorialiste économique. Diplômé en économie appliquée, il suit les grandes tendances du commerce intra-africain, les réformes structurelles, les dynamiques des zones de libre-échange et les flux d’investissements stratégiques. Il décrypte les enjeux macroéconomiques dans une perspective diplomatique et continentale.