Cent jours après son retour à la Maison Blanche, Donald Trump imprime sa marque sur la politique étrangère américaine. Fidèle à son style direct et à ses priorités budgétaires, l’ancien président s’attaque désormais au réseau diplomatique des États-Unis. En ligne de mire : une trentaine d’ambassades et de consulats, dont une majorité sur le continent africain.
Derrière les discours sur la rationalisation des dépenses, c’est une forme de désengagement stratégique qui se dessine. Selon un projet de décret présidentiel consulté par le New York Times, une « réorganisation structurelle complète » du département d’État est prévue d’ici octobre. Le mot d’ordre de la Maison Blanche ? Mettre fin à la « gabegie, la fraude et les abus » dans la diplomatie américaine. Le secrétaire d’État Marco Rubio, après avoir dénoncé des « fake news », a lui-même reconnu que son ministère devait devenir plus efficace et moins coûteux.
Ambassades et Consulats menacés
C’est l’Afrique qui paie le prix fort de cette politique. Plusieurs ambassades sont menacées de fermeture – au Lesotho, en Érythrée, en Centrafrique, au Congo, en Gambie ou encore au Soudan du Sud – ainsi que des consulats à Douala (Cameroun) et Durban (Afrique du Sud). À ce jour, seuls trois ambassadeurs ont été nommés sur le continent (Afrique du Sud, Maroc, Tunisie), tandis que des postes stratégiques comme ceux du Nigeria, de l’Égypte ou de l’Éthiopie restent vacants ou assurés par intérim.
« L’Afrique n’a jamais été une priorité pour Trump », rappelle Steven Gruzd, de l’Institut sud-africain pour les affaires internationales. « Il l’a ignorée pendant tout son premier mandat et cela continue aujourd’hui. »
Pretoria dans le viseur
L’Afrique du Sud, pourtant poids lourd régional, cristallise les tensions. Washington critique ouvertement la politique foncière sud-africaine, perçue comme discriminatoire envers la minorité blanche, et ses positions jugées hostiles à Israël. L’expulsion de l’ambassadeur sud-africain en mars dernier, suivie de la nomination controversée de Leo Brent Bozell III comme nouvel ambassadeur américain à Pretoria, témoigne de cette crispation. En parallèle, l’aide américaine au pays, notamment dans la lutte contre le sida, a été suspendue.
Un recul du soft power américain
Cette réduction drastique du maillage diplomatique s’accompagne d’un affaiblissement du soft power américain. Des programmes phares comme Fulbright ou l’action de Voice of America sont menacés, voire déjà en déclin. Pour Tom Yazdgerdi, président de l’American Foreign Service Association, « les États-Unis se tirent une balle dans le pied en laissant le terrain libre à d’autres puissances. »
Une opportunité pour la Chine, la Russie… et les autres
Moins de diplomatie américaine signifie plus d’espace pour les ambitions étrangères. Chine, Russie, Turquie, Émirats arabes unis ou encore Inde pourraient saisir cette brèche pour renforcer leur influence sur le continent. Alex Vines, du think tank britannique Chatham House, résume : « Moins d’Amérique, c’est plus d’opportunités pour les autres. »
Ironie de l’histoire, c’est peut-être l’accès aux métaux stratégiques – cobalt, lithium, terres rares – qui incitera finalement l’administration Trump à reconsidérer l’Afrique. Mais en attendant, ce retrait diplomatique apparaît comme un pari risqué, dans un monde où chaque présence compte.