Le limogeage qui en dit long
Nommée il y a à peine quatre mois, la générale de l’US Army Jami Shawley, première femme à diriger la section Afrique du Conseil national de sécurité (NSC), a été congédiée par la Maison-Blanche le 9 juin 2025. Selon plusieurs conseillers, la décision est intervenue sans préavis, en même temps qu’un décret actant la disparition pure et simple du bureau Afrique, aussitôt absorbé par la direction Moyen-Orient. Pour The Africa Report, cette mise à l’écart signe « le déclassement le plus spectaculaire du dossier africain depuis la fin de la guerre froide ».
Une fusion bureaucratique pleine d’équivoques
Officiellement, la Maison-Blanche invoque la nécessité de « fluidifier la chaîne décisionnelle » et de « réduire les doublons budgétaires ». En réalité, la nouvelle entité « Middle East & Africa » ne dispose à ce jour ni d’organigramme publié ni de responsable désigné. La presse spécialisée rapporte que Wayne Wall, militaire à la retraite récemment promu directeur pour le Moyen-Orient, serait susceptible d’en assumer la tutelle par intérim, sans expertise africaine avérée. Cette vacance contraste avec la promesse de Donald Trump, répétée lors de son discours sur l’état de l’Union, de « traiter l’Afrique en partenaire stratégique ».
Le signal envoyé aux capitales africaines
Déjà fragilisée par la suspension partielle de l’African Growth and Opportunity Act et par la hausse des droits de douane sur l’aluminium sud-africain, la relation bilatérale risque de pâtir d’un interlocuteur unique débordé par les crises du Golfe. « La fusion éloignera mécaniquement l’Afrique du premier cercle de décision, au moment même où la compétition sino-russe s’y intensifie », avertit l’analyste Landry Signé, interrogé par Riotimes. L’impression de désintérêt est d’autant plus forte que le Département d’État a annoncé, le mois dernier, un plan de restructuration qui pourrait supprimer jusqu’à quinze pour cent des postes orientés vers l’Afrique.
Au-delà du symbole, quels risques diplomatiques ?
Sur le terrain sécuritaire, cette dépréciation intervient alors que le Sahel demeure traversé par des coups d’État en cascade et une présence accrue de sociétés paramilitaires russes. Lors d’une audition parlementaire, la responsable par intérim de la politique de sécurité internationale au Pentagone, Katherine Thompson, a reconnu que « l’alignement de nos priorités en Afrique et au Moyen-Orient exige une vigilance permanente ». Mais la convergence bureaucratique risque surtout de diluer les ressources : la même équipe devra suivre à la fois la sécurité maritimo-énergétique dans le Golfe et les tensions électorales en Afrique australe, sans compter les urgences humanitaires récurrentes sur la Corne de l’Afrique.
En quelques signatures, la présidence Trump vient d’acter ce que nombre d’observateurs redoutaient : l’Afrique glisse à la périphérie des priorités stratégiques américaines. En privant le continent d’une voix dédiée au sein du NSC, Washington prend le risque de fragiliser son influence à long terme, à contre-temps de la poussée économique et démographique africaine. Faute de correctif rapide, Pékin, Moscou et Ankara continueront d’occuper le vide laissé par les États-Unis, tandis que les chancelleries africaines s’interrogeront sur la valeur réelle du partenariat promis sous la bannière « America First ».