Un sommet africain au cœur de l’UNOC-3
Le 9 juin 2025, dans le cadre solennel du Palais des Rois de Sardaigne à Nice, plus de cinquante chefs d’État et 1 500 délégués ont inauguré le sommet « Afrique pour l’Océan », bras africain de l’UN Ocean Conference. La rencontre, coprésidée par la princesse Lalla Hasnaa — représentante de Mohammed VI — et Emmanuel Macron, concrétise le virage « multicontinental » voulu par la présidence française de la conférence.
Macron et Lalla Hasnaa : du symbole à l’action
Dans son discours liminaire, Emmanuel Macron a martelé que « nos océans brûlent » et appelé à « revitaliser notre action collective ». Lalla Hasnaa a répliqué en lisant le message du souverain marocain, qui exhorte l’Afrique à « penser, gérer et défendre ensemble » son espace maritime afin de passer de la prise de conscience à la souveraineté opérationnelle. Cette chorégraphie oratoire a scellé la vocation nord-sud du sommet : conjuguer capacité financière européenne et leadership africain émergent.
Le traité BBNJ, pierre de touche de la crédibilité
Paris a profité de la tribune pour annoncer que cinquante-cinq États — dont vingt-huit africains — ont déjà ratifié ou engagé la ratification du traité sur la biodiversité des zones au-delà des juridictions nationales (BBNJ), laissant entrevoir une entrée en vigueur au premier trimestre 2026. Macron, qualifiant la haute mer de « bien commun non négociable », a plaidé pour un moratoire immédiat sur l’extraction minière profonde tandis que le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, prévenait que « la haute mer ne saurait devenir le Far West ».
Vers une économie bleue africaine souveraine
Le message royal, structuré autour de l’aquaculture durable, des énergies marines, de la biotechnologie et du tourisme côtier responsable, érige l’économie bleue en priorité continentale. Il insiste sur la nécessité d’infrastructures portuaires connectant États côtiers et pays enclavés, citant Tanger Med comme modèle, et appelle à une gouvernance inclusive où la sécurité maritime — de la lutte contre la piraterie à la surveillance de la pêche INN — devient un vecteur de stabilité régionale.
Justice climatique et bataille des financements
Si le sommet a souligné l’urgence de mobiliser les capitaux privés, il a surtout mis la pression sur les institutions de Bretton Woods : les pays africains, responsables de moins de 4 % des émissions mondiales, subissent de plein fouet l’acidification et la montée des eaux. « Sans équité financière, la transition bleue restera un slogan », a résumé le président burundais Evariste Ndayishimiye, porte-voix de l’Union africaine. La France, qui a proclamé 2024 « Année de la Mer », propose un guichet de garantie océanique adossé à l’AFD, mais les modalités restent floues.
Entre diplomatie verte et realpolitik
Derrière l’emphase, plusieurs ONG rappellent que seuls 4 % des eaux françaises sont réellement protégés des chalutiers de fond, quand le Niger ou le Tchad peinent à financer un seul radar côtier. Le fossé entre annonces et mise en œuvre alimente le scepticisme d’Alexandra Cousteau, pour qui « permettre le chalutage dans une aire marine protégée revient à vendre un extincteur sans la gâchette ».
Une vague prometteuse, à condition de garder le cap
L’alliance scellée à Nice marque une avancée géopolitique majeure : elle lie la crédibilité climatique de la France à l’émancipation maritime de l’Afrique. Pourtant, la véritable mesure de ce partenariat se jouera dans les parlements nationaux qui devront ratifier le BBNJ, dans les banques qui libéreront — ou non — les capitaux, et sur le pont des navires de surveillance qui sécuriseront effectivement les couloirs atlantiques. Sans ces traductions concrètes, la « révolution océanique » restera une promesse, certes spectaculaire, mais encore suspendue aux courants changeants de la diplomatie.