Cuba et Congo ravivent 60 ans de partenariat lors de la visite de Marrero

Le séjour de trois jours du Premier ministre cubain Manuel Marrero Cruz à Brazzaville a remis en mouvement, avec méthode, la relance d’un lien historique entre La Havane et le Congo. Au-delà des usages protocolaires, la visite a dégagé un programme pragmatique centré sur la santé, les hydrocarbures et la solidarité multilatérale.

4 mn de lecture

La présence du chef du gouvernement cubain, du 17 au 19 mars 2025, a redonné souffle à une relation forgée au plus fort des luttes anticoloniales et jugée aujourd’hui en quête de modernisation. Au cours de ses entretiens avec le président Denis Sassou-Nguesso et le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, les deux délégations ont convenu qu’un aggiornamento s’imposait pour adapter leur coopération aux réalités contemporaines.

Contexte historique

Lorsque La Havane et Brazzaville établirent leurs relations diplomatiques en mai 1964, les deux gouvernements partageaient un même engagement idéologique en faveur de la libération africaine. Au fil des décennies, des milliers de médecins et d’ingénieurs congolais furent formés dans les institutions cubaines, tandis que des praticiens cubains assuraient des missions dans les hôpitaux congolais, créant un capital politique que les deux parties s’emploient désormais à réinvestir dans un contexte géopolitique mouvant.

Enjeux stratégiques

À Brazzaville, les observateurs décrivent la stratégie de La Havane comme double : d’une part garantir l’exportation de services professionnels générateurs de devises, d’autre part élargir l’appui diplomatique à sa demande de retrait de la liste états-unienne des États soutenant le terrorisme. Pour le Congo, le calcul est tout aussi pragmatique : recourir aux brigades médicales cubaines et aux instructeurs techniques pour renforcer l’offre de soins et transférer des compétences, tout en diversifiant une économie tributaire du pétrole grâce à des partenariats dans les hydrocarbures et l’agro-transformation.

Domaines clés de coopération

Le communiqué conjoint a entériné la mise à niveau du protocole de 2013 afin d’y intégrer gouvernement numérique, énergies renouvelables, écotourisme et biotechnologie. La santé demeure l’axe central : environ 150 cliniciens cubains sont déployés dans quatre départements congolais et auraient soigné plus de 630 000 patients depuis 1965, selon des données officielles. La Havane a proposé de doubler, dès la prochaine rentrée, les quotas de bourses pour les étudiants congolais en médecine et en ingénierie.

Symbolisme cérémoniel

La visite a aussi cultivé le symbole. Manuel Marrero s’est recueilli au mausolée du président Marien Ngouabi et a rencontré des vétérans des guerres de libération angolaises auxquelles des troupes cubaines ont participé, gestes destinés à souligner la continuité de la solidarité. Certains observateurs ont relevé la présence de l’épouse du Premier ministre, rare dans la tradition cubaine antérieure, signe possible d’une évolution de la diplomatie publique.

Portée régionale et mondiale

L’événement dépasse la seule sphère bilatérale. Il s’inscrit dans la nouvelle offensive africaine de La Havane, qui a récemment concerné la Namibie, la Guinée équatoriale et le Ghana, et converge avec la stratégie congolaise de diversification des partenariats pour atténuer la volatilité pétrolière et valoriser, dans les négociations climatiques, les tourbières de ses forêts tropicales. À ce titre, les discussions de Brazzaville illustrent une diplomatie Sud-Sud renouvelée entre États à revenu intermédiaire.

Perspectives

Les deux gouvernements ont décidé de réunir d’ici la fin de l’année une commission mixte chargée de décliner les accords politiques en un tableau de bord vérifiable. En cas d’application effective, l’ensemble pourrait hisser le Congo au rang de deuxième partenaire africain de Cuba après l’Angola. L’expérience montre toutefois que des contrats opaques et des dérives de mission peuvent miner le capital politique accumulé. Les dix-huit prochains mois seront dès lors décisifs pour déterminer si le symbolisme de mars 2025 se convertira en résultats tangibles.

Partager l'article
La Rédaction d’AfricanDiplomats est composée d’une équipe d’experts pluridisciplinaires : diplomates, reporters, observateurs, analystes, auteurs et professeurs. Ensemble, nous partageons des analyses, des perspectives et des opinions éclairées sur la diplomatie africaine et l’engagement international du continent.Notre mission est d’offrir une information fiable, actuelle et rigoureuse sur la diplomatie, les affaires internationales et le leadership africain. De négociations décisives aux grandes alliances stratégiques, nous suivons et décryptons les dynamiques qui renforcent la voix et l’influence de l’Afrique dans le monde.Grâce à des analyses exclusives, des mises à jour en temps réel et une couverture approfondie des enjeux globaux, notre rédaction s'engage à informer, à éclairer et à faire entendre l’Afrique sur la scène internationale.
Aucun commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *