Proclamation migratoire 2025 de Trump : 19 pays visés, débat international

Le président Trump vient de réactiver et d’élargir sa politique de restrictions d’entrée, interdisant ou limitant l’accès au territoire américain pour les ressortissants de dix-neuf États. Alors que la Maison-Blanche invoque la sécurité nationale, les critiques redoutent un choc diplomatique, des pertes économiques et une nouvelle bataille judiciaire. La mesure contraint aussitôt alliés et organisations multilatérales à recalibrer leurs relations avec Washington.

6 mn de lecture

Contexte juridique et fondements

À 22 h 15 (EDT) le 4 juin 2025, le président Donald Trump a signé une proclamation intitulée Restricting the Entry of Foreign Nationals to Protect the United States from Foreign Terrorists and Other National Security and Public-Safety Threats (White House, 5 juin 2025). Le texte s’appuie sur les articles 212(f) et 215(a) de l’Immigration and Nationality Act, qui autorisent l’exécutif à suspendre l’entrée lorsque l’intérêt national est en jeu. Dans une allocution télévisée, M. Trump a affirmé que « les pays incapables ou réticents à partager des données sécuritaires vitales ne peuvent bénéficier du doute » (Associated Press, 5 juin 2025).

L’administration invoque l’arrêt Trump v. Hawaii de 2018, qui avait validé une version antérieure, comme fondement jurisprudentiel. Les conseillers juridiques de la Maison-Blanche assurent que la nouvelle liste est « religieusement neutre » et fondée sur une évaluation individualisée des risques, marquant une rupture avec le « Muslim Ban » de 2017 (Reuters, 5 juin 2025).

Pays concernés et mesures spécifiques

La proclamation interdit totalement l’entrée des ressortissants d’Afghanistan, du Myanmar, du Tchad, de la République du Congo, de Guinée équatoriale, d’Érythrée, d’Haïti, d’Iran, de Libye, de Somalie, du Soudan et du Yémen. Des restrictions partielles — suspensions de visas d’immigrants et de la loterie de diversité — touchent le Burundi, Cuba, le Laos, la Sierra Leone, le Togo, le Turkménistan et le Venezuela (The Independent, 5 juin 2025). Des exemptions sont prévues pour les résidents permanents légaux, les binationaux voyageant avec un passeport non concerné et les personnes dont l’admission répond à un « intérêt national impérieux ».

Le Département de la Sécurité intérieure souligne que la liste est issue d’un examen interministériel de 180 jours portant sur les pratiques d’identification, le taux de passeports perdus et les dépassements de visa (Washington Post, 5 juin 2025). Des ONG dénoncent toutefois l’opacité des critères et rappellent que plusieurs États visés coopèrent étroitement aux programmes antiterroristes américains.

Paysage politique intérieur

À un an des élections de mi-mandat 2026, la Maison-Blanche présente l’interdiction comme une preuve de vigilance après l’attentat du 18 mai contre un train de banlieue à Denver, attribué à un ressortissant égyptien en situation irrégulière — l’Égypte ne figure pas sur la liste (NPR, 5 juin 2025). Les dirigeants républicains saluent la mesure, estimant que la libéralisation opérée sous le président Biden avait « saboté la souveraineté américaine ».

À l’inverse, les élus démocrates la qualifient de « sécurité performative » et promettent une riposte législative. L’American Civil Liberties Union prépare une requête en référé d’urgence devant la Cour d’appel du neuvième circuit, arguant que la proclamation viole la clause d’établissement en affectant de manière disproportionnée des États à majorité musulmane (Guardian, 5 juin 2025).

Réactions internationales et multilatérales

Plusieurs gouvernements ciblés ont convoqué les représentants américains dès les premières heures. Le ministère iranien des Affaires étrangères a fustigé une « hostilité diplomatique déguisée en prudence intérieure », tandis que le Nigeria — épargné après un intense plaidoyer — s’est dit soulagé mais a qualifié la mesure de « contre-productive pour la lutte antiterroriste partagée » (Al Jazeera, 5 juin 2025).

Aux Nations unies, le porte-parole du Secrétaire général a rappelé que les interdictions générales menacent les normes de réinstallation des réfugiés et le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. L’Union européenne envisage de renégocier les accords de partage de données avec Washington afin de protéger les ressortissants européens binationaux.

Implications juridiques, économiques et humanitaires

Les juristes relèvent l’existence d’une procédure de dérogation discrétionnaire, mais les audits antérieurs font état d’un taux d’approbation inférieur à huit pour cent, laissant penser que les exceptions humanitaires demeurent largement théoriques (American Immigration Council, 5 juin 2025). Les compagnies aériennes desservant l’Afrique et le Proche-Orient prévoient des ajustements rapides de leurs plans de vol, entraînant des pertes de revenus. Le secteur touristique américain, déjà pénalisé par la vigueur du dollar et des délais de visa étendus, redoute un impact supplémentaire.

Selon l’Institut Peterson, le maintien de l’interdiction pourrait retrancher 0,05 point de pourcentage à la croissance du PIB entre 2025 et 2026, en raison d’une baisse de l’immigration qualifiée et des inscriptions d’étudiants internationaux. Les lobbys du numérique avertissent que la limitation simultanée des visas étudiants pour certaines universités risque de détourner les talents vers le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni (Reuters, 5 juin 2025).

La proclamation de 2025 constitue la plus vaste restriction migratoire depuis les fermetures liées à la pandémie, mais sa pérennité demeure incertaine. Le contrôle juridictionnel, la négociation diplomatique et les dynamiques électorales internes détermineront si la mesure subsistera ou sera atténuée. Pour l’heure, l’ordre souligne la tension persistante entre les doctrines sécuritaires centrées sur la souveraineté et les normes libérales de mobilité sur lesquelles repose encore une grande partie du système international.

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