Un financement inédit pour le mégaprojet EACOP
Le 26 mars 2025, EACOP Ltd a annoncé la clôture de la première tranche externe de financement du pipeline transfrontalier entre Hoima (Ouganda) et Tanga (Tanzanie), syndiquée auprès d’Afreximbank, Standard Bank, KCB Bank Uganda et du bras privé de la Banque islamique de développement (ICD). Le communiqué salue « une étape déterminante » qui conforte le budget de cinq milliards de dollars du projet, auquel TotalEnergies détient 62 % de participation. Six jours plus tard, l’entreprise déclarait que le tracé de 1 443 km avait franchi 60 % d’avancement et généré 6 000 emplois, dont 70 % locaux, illustrant la portée socio-économique régionale du corridor pétrolier et numérique envisagé autour de la fibre optique intégrée au conduit. Sur son portail « Acting Transparently », mis à jour début juin, TotalEnergies détaille les indemnisations foncières et les mécanismes de suivi des riverains, signe d’une diplomatie de la transparence destinée à atténuer les tensions sociales et climatiques.
Diversification hydraulique et diplomatie énergétique
Parallèlement à l’offensive pétrolière, le groupe a bouclé le 28 février 2025 l’acquisition pour 167 millions $ des actifs hydropower de Scatec ASA dans la région des Grands Lacs, englobant le barrage ougandais de Bujagali (255 MW) et les projets Mpatamanga (Malawi) et Ruzizi III (Rwanda-RDC-Burundi). Le transfert de l’équipe Hydro Africa vers la nouvelle entité SN Power AS conforte les ambitions bas-carbone affichées par Paris lors de la COP 28. Cette montée en puissance sur l’hydraulique fédère les bailleurs régionaux soucieux d’équilibrer mix électrique et sécurité d’approvisionnement. Elle renforce également la posture d’« entreprise-créatrice de valeur partagée » que Patrick Pouyanné a mise en avant devant les actionnaires, soulignant que « ces projets sont mieux réalisés par une major responsable que par des acteurs moins regardants ».
Retrait du Burkina Faso : la fin d’une ère sahélienne
Moins de trois mois après avoir cédé sa filiale malienne, TotalEnergies a entériné, le 18 février 2025, la vente de ses 67 stations-service et dépôts burkinabè au conglomérat Coris Investment Group d’Idrissa Nassa. Selon le responsable régional Badara Mbacké, l’opération s’inscrit dans « l’optimisation du portefeuille africain » du groupe et intervient dans un contexte de ruptures diplomatiques entre les régimes sahéliens et la France. Ce retrait, qui maintient 1 109 emplois et laisse place à un acteur national, illustre une approche prudente dans des États où la sécurité des sites et du personnel pèse désormais lourd dans l’arbitrage d’investissement.
Gouvernance et perception internationale
La progression rapide d’EACOP n’éteint pas les critiques. Le 23 mai 2025, le rapporteur spécial de l’ONU Michel Forst a appelé TotalEnergies à diligenter un audit indépendant sur les allégations d’atteintes aux défenseurs de l’environnement le long du trajet du pipeline. Le groupe a réitéré sa « tolérance zéro envers toute forme de violence » et indiqué collaborer avec les autorités pour garantir le respect de la procédure. Sur le plan financier, la décision de l’asset manager allemand Union Investment de sortir le titre de ses portefeuilles durables ajoute un impératif de due diligence accru, que TotalEnergies anticipe via la publication d’un rapport d’impact attendu avant la fin de l’année.
En l’espace d’un trimestre, TotalEnergies a balisé trois chantiers décisifs : la sécurisation du financement du plus long oléoduc chauffé du monde, la consolidation d’un portefeuille hydraulique paneuropéen de 822 MW et la réduction ordonnée de son exposition aux marchés sahéliens les plus instables. Cette séquence, à la fois industrielle et diplomatique, matérialise une tactique de « balancier » entre hydrocarbures rentables et électrons verts, tout en ménageant des sorties là où le risque politique s’alourdit. Pour les chancelleries africaines, le message est clair : la major accepte de rester un partenaire stratégique, pour autant que l’architecture sécuritaire et réglementaire serve un développement partagé et conforme aux standards internationaux.