Présidence sud-africaine du G20 : priorités africaines et défis géopolitiques

La prise de la présidence du G20 par Pretoria – qui culminera avec le Sommet des dirigeants à Johannesburg les 22-23 novembre 2025 – offre à l’Afrique une occasion sans précédent d’influer sur la gouvernance économique mondiale. Cette opportunité est pourtant assombrie par la menace d’un boycott des États-Unis et par les tensions croissantes autour du mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières. L’article examine l’agenda sud-africain, les vents contraires diplomatiques qu’il affronte et les perspectives d’une agence africaine au sein d’un multilatéralisme en recomposition.

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Un programme stratégique pour Johannesburg

Le document-cadre de la présidence décline trois priorités transversales : croissance inclusive et industrialisation, sécurité alimentaire, gouvernance de l’intelligence artificielle et des données. Les responsables sud-africains présentent ces thèmes comme un pont entre l’Agenda 2063 de l’Union africaine et le mandat macro-financier du G20. Les groupes de travail qui se sont déjà réunis sur le tourisme, l’agriculture et le numérique ont produit des communiqués de travail insistant sur la soutenabilité de la dette, l’investissement dans des chaînes de valeur industrielles vertes et des normes éthiques pour l’IA. Cette articulation vise à inscrire les priorités africaines dans une feuille de route internationale sans diluer le cœur économique du G20.

Attentes continentales et contraintes domestiques

Les observateurs du continent escomptent que la présidence transforme le nouveau siège permanent de l’UA en influence tangible sur les restructurations de dette, le financement climatique et la production de vaccins. Les consultations publiques lancées ce jour invitent la société civile à formuler des propositions, signe d’une volonté de construire un agenda panafricain plutôt que strictement national. Néanmoins, des pressions budgétaires internes – de la crise chronique de l’électricité à une croissance atone – limitent la capacité de Pretoria à financer la logistique du sommet et à incarner les politiques qu’elle promeut. Cette tension entre ambition extérieure et réalités domestiques place la diplomatie sud-africaine devant un exercice d’équilibrisme financier et politique.

Fractures dans le dialogue transatlantique

Le capital diplomatique sud-africain est encore entamé par la directive de Washington, publiée le 14 mai 2025, suspendant la participation de ses agences à l’ensemble des processus du G20 organisés par l’Afrique du Sud. Cette mesure, motivée officiellement par des inquiétudes relatives aux droits de propriété et au climat anti-américain, prive les négociations d’un acteur clé et risque de fragmenter les discussions sur l’architecture de la dette et le financement climatique. Pretoria rejette les accusations mais sait que l’absence américaine alourdit la tâche consistant à forger un consensus entre économies avancées et émergentes.

Ajustements carbone et ripostes des marchés émergents

Les tensions avec l’Union européenne au sujet de son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières compliquent également l’agenda commercial de Pretoria. L’Afrique du Sud soutient que ce prélèvement compromet la compétitivité de ses exportations et contrevient aux règles de l’OMC s’il ne prévoit pas un traitement différencié pour les économies en développement. Des études récentes chiffrent les coûts potentiels pour les exportateurs africains d’acier et de ciment, tandis que l’UE envisage des exemptions pour les plus petits émetteurs sans remettre en cause la logique du dispositif. La capacité de la présidence à concilier ambition climatique et équité commerciale sera un test majeur de son leadership.

Malgré ces vents contraires, la première présidence africaine du G20 conserve le potentiel de reconfigurer les attentes vis-à-vis du forum. Si Pretoria parvient à encadrer des accords sur un dispositif de restructuration de dette plus prévisible, une feuille de route cohérente pour la résilience des systèmes alimentaires et des principes minimaux de gouvernance de l’IA, elle fera progresser la voix africaine dans la définition des règles mondiales. La réussite dépendra d’alliances habiles avec les partenaires émergents, d’un engagement soutenu avec les économies développées les plus sceptiques et d’une gestion soigneuse du récit politique intérieur à l’approche du sommet.

La présidence sud-africaine constitue ainsi plus qu’un jalon protocolaire : elle teste la capacité d’un État africain à exploiter sa double identité – représentant continental et économie à revenu intermédiaire – pour négocier des compromis pragmatiques au sommet de la diplomatie économique mondiale. Le résultat résonnera bien au-delà de l’extinction des projecteurs à Johannesburg, façonnant la place de l’Afrique dans la gouvernance multilatérale pour la décennie à venir.

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