Sommet « Deal-or-No-Deal » : Trump cible cinq États africains riches en minerais

Du 9 au 11 juillet à Washington, le président Donald Trump accueillera les dirigeants du Sénégal, de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau, du Gabon et du Liberia pour un tête-à-tête États-Unis–Afrique à géométrie très restreinte. La Maison Blanche promet une « prospérité mutuelle », mais nombre d’analystes y voient surtout la volonté de sécuriser des minerais critiques et des accords migratoires, tout en conten­tant la rivalité avec la Chine sur le continent.

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Prélude à une diplomatie sélective

L’Afrique avait été largement reléguée aux marges du premier mandat trumpien ; un infléchissement s’est esquissé le 27 juin, lorsque M. Trump a parrainé un cessez-le-feu entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, histoire de polir son crédit avant de convier un aréopage ouest-africain réduit. Les invités affichent des PIB modestes mais recèlent manganèse, bauxite, lithium ou minerai de fer – autant de ressources que Washington juge désormais stratégiques pour les batteries et l’armement. En refusant de ressusciter le vaste « Leaders Summit » de 2022, l’administration signale que l’alignement commercial, non la simple inclusion symbolique, ouvre désormais la porte de la Maison Blanche.

Les minerais d’abord, la gouvernance après

Selon une note de Bloomberg, la Development Finance Corporation américaine a déjà rédigé des term-sheets prévoyant des prises de participation dans le gisement de fer de Belinga, au Gabon, et le projet d’uranium de Tiris, en Mauritanie, sous condition de contenu local. Des juristes du secteur rappellent toutefois que la plupart de ces juridictions pointent toujours sous le 40ᵉ centile de l’indice minier du Fraser Institute. Pékin affine déjà environ 70 % du cobalt mondial et détient, via CITIC, des parts dans le manganèse gabonais, ce qui renchérit le prix d’une ré-entrée américaine.

Le marché migratoire en contrepartie

D’après Reuters, le Department of Homeland Security entend soumettre des mémorandums de « pays tiers sûrs » obligeant les cinq gouvernements à accueillir des migrants non africains expulsés des États-Unis, réminiscence d’accords autrefois négociés avec le Guatemala. Le Wall Street Journal précise que le rôle de Dakar comme tremplin vers l’Atlantique donnerait au Sénégal un levier pour exiger l’élargissement de quotas textiles. Des coalitions de la société civile redoutent toutefois qu’une externalisation des expulsions vers des États fragiles ne viole le principe de non-refoulement et ne torpille la relance du soft power américain.

Coupes dans l’aide, flambée du lobbying

Depuis janvier 2025, les décaissements de l’USAID vers l’Afrique subsaharienne ont chuté de 42 %, poussant des capitales exsangues à recruter des cabinets d’influence à prix d’or ; le Gabon a ainsi signé en mai un mandat de 2 millions de dollars avec Ballard Partners. Les critiques estiment que ces frais contredisent le discours sur la « croissance endogène » et cementent des logiques clientélistes, tandis que les pro-sommet soutiennent qu’un lobbying privé demeure indispensable pour naviguer dans le Congrès labyrinthique de Washington.

La Chine, l’invitée silencieuse

Sans nommer la rencontre, le ministère chinois du Commerce a averti le 8 juillet que « la pression de tiers n’altérera pas le droit souverain de l’Afrique à choisir ses partenaires ». Les entreprises chinoises financent plus de la moitié du déficit courant sénégalais et gèrent 60 % des exportations libériennes de caoutchouc. Dans l’entourage de M. Trump, on reconnaît en privé que le retour américain sera jugé moins à l’aune des cérémonies de signature qu’à celle de la capacité des investisseurs à égaler les calendriers chinois pour les ports et les rails.

Les risques du tout-transactionnel

Des diplomates rappellent que la promesse trumpienne de 50 milliards de dollars pour les infrastructures africaines, formulée en 2018, n’a jamais été honorée. Le paquet actuel tournerait autour de 1,1 milliard – somme notable pour Bissau, mais dérisoire face aux 60 milliards engagés par Pékin au Forum on China–Africa Cooperation. Tafi Mhaka, dans Al Jazeera, prévient qu’une séance photo sans financements durables relèverait du « théâtre colonial version PowerPoint » . Pourtant, pour des gouvernements éprouvés par les chocs des matières premières et les débordements djihadistes, toute diversification occidentale, même modeste, conserve un poids stratégique.

Au-delà des apparences

Si le sommet débouche sur des term-sheets exécutoires – liant l’enlèvement de minerais à un traitement local, et les accords migratoires à des critères vérifiables de droits humains –, l’initiative pourrait rééquilibrer une relation asymétrique. Un échec nourrirait la perception d’une politique africaine oscillant entre l’indifférence et l’extraction brute. Quoi qu’il en soit, ce rassemblement de trois jours testera la capacité d’une Maison Blanche « America First » à forger des partenariats non zéro-somme.

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John Mwangi est correspondant États-Unis pour AfricanDiplomats.com. Expert en politique étrangère, il analyse les stratégies américaines vis-à-vis de l’Afrique, qu’il s’agisse de sécurité, commerce, climat ou relations culturelles. Il éclaire également les tensions et convergences dans les forums multilatéraux.
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