La politique étrangère de l’Afrique du Sud a traditionnellement été marquée par un attachement au multilatéralisme, au non-alignement et à la solidarité africaine. Cependant, les complexités du conflit entre la Russie et l’Ukraine ont mis ces principes à l’épreuve, obligeant Pretoria à emprunter un chemin diplomatique délicat. La récente rencontre entre les présidents Ramaphosa et Zelensky offre une grille de lecture pour évaluer l’évolution de la posture diplomatique sud-africaine.
Contexte historique de la position sud-africaine
Historiquement, l’Afrique du Sud a adopté une approche prudente face au conflit russo-ukrainien. Après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, Pretoria s’était abstenue de toute condamnation directe, insistant sur l’importance du dialogue ainsi que sur les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale. Cette position était influencée par les liens historiques avec la Russie, hérités du soutien soviétique durant la lutte contre l’apartheid.
En 2022, l’Afrique du Sud s’était abstenue lors d’un vote aux Nations unies condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, suscitant de nombreuses critiques. L’ambassadrice d’Ukraine en Afrique du Sud, Liubov Abravitova, avait alors exprimé son inquiétude face à la neutralité sud-africaine, soulignant les difficultés d’engagement avec le gouvernement.
La rencontre de Pretoria : un tournant dans l’engagement
Le 24 avril 2025, le président Ramaphosa a accueilli le président Zelensky à Pretoria, marquant une évolution importante dans la relation bilatérale. Cette rencontre a porté sur les relations bilatérales ainsi que sur le conflit en cours. Le président Ramaphosa a salué l’engagement de Zelensky en faveur d’un cessez-le-feu inconditionnel, soulignant l’importance du dialogue et de l’inclusivité pour parvenir à une résolution pacifique.
Cet échange illustre une inflexion subtile dans l’approche sud-africaine, cherchant à équilibrer ses liens historiques avec Moscou et son attachement à la résolution pacifique des conflits. En dialoguant directement avec l’Ukraine, Pretoria affirme sa volonté de jouer un rôle plus actif dans la médiation entre les parties en conflit.
Réactions contrastées à l’international
Les réactions internationales au conflit russo-ukrainien sont marquées par des divergences d’intérêts géopolitiques. Les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, ont adopté une position plus affirmée, exhortant la Russie à cesser ses attaques tout en proposant un accord de paix incluant la reconnaissance de l’annexion de la Crimée – proposition catégoriquement rejetée par Zelensky.
Les dirigeants européens, dont Emmanuel Macron et Keir Starmer, ont fermement condamné les actions russes, réaffirmant l’exigence de cessez-le-feu inconditionnel et le respect du droit international.
Enjeux pour la politique étrangère sud-africaine
L’engagement simultané de l’Afrique du Sud avec la Russie et l’Ukraine reflète son attachement à une politique étrangère équilibrée. En maintenant le dialogue avec les deux parties, Pretoria aspire à se positionner en tant que médiateur potentiel, fidèle à ses principes de multilatéralisme et de non-alignement.
Cependant, cet exercice d’équilibrisme rencontre des obstacles. Sur le plan intérieur, des voix divergentes s’expriment. Le gouvernement de la province du Cap-Occidental, dirigé par l’opposition (Alliance démocratique), a pris une position plus critique envers la Russie, allant jusqu’à illuminer ses bâtiments officiels aux couleurs de l’Ukraine pour condamner l’invasion.
La rencontre entre les présidents Ramaphosa et Zelensky représente donc un moment significatif dans l’engagement diplomatique de l’Afrique du Sud face au conflit russo-ukrainien. Tout en préservant ses relations historiques avec la Russie, Pretoria affirme son engagement en faveur de la résolution pacifique des différends et du dialogue multilatéral. À l’avenir, son rôle éventuel de médiateur dépendra de sa capacité à naviguer dans un environnement géopolitique complexe tout en restant fidèle à ses principes fondamentaux.