Le climat comme multiplicateur de menaces
Le changement climatique ne constitue plus uniquement une urgence environnementale : en Afrique, il agit désormais comme un facteur de déstabilisation sécuritaire majeur. C’est le message central de la conférence « Agriculture, changement climatique et sécurité en Afrique », organisée à Paris avec la participation d’institutions clés telles que l’UNESCO, le CIRAD, le CNRS, l’IRD, le CIAN et l’African Security Network.
Les îles de l’océan Indien – Madagascar, Maurice et La Réunion – y ont été citées comme laboratoires de vulnérabilité climatique, révélant comment la montée des risques naturels peut nourrir pauvreté, migration et violence.
Madagascar : l’agriculture au cœur de l’instabilité
Dans le sud de Madagascar, les sécheresses à répétition et l’effondrement des rendements agricoles alimentent un cercle vicieux entre insécurité alimentaire et violences rurales. Les attaques de « dahalo » (bandits de bétail) se multiplient, accentuées par une pauvreté extrême et un effondrement des structures d’encadrement public.
Cette situation, expliquent les intervenants, illustre un phénomène plus large : l’incapacité des États à absorber les chocs climatiques engendre un vide que remplissent parfois des groupes violents ou illégaux, provoquant une érosion du lien social et des institutions.
Maurice et La Réunion : vulnérabilités structurelles et diplomatie climatique
À Maurice, les cyclones tropicaux intenses, la montée des eaux et le stress hydrique mettent en péril deux piliers de l’économie : le tourisme et la production sucrière. Bien que La Réunion bénéficie du soutien de l’État français, elle n’échappe pas aux défis structurels que pose l’érosion côtière ou la gestion de l’eau douce.
Ces constats renforcent l’idée que la coopération régionale et l’intégration des risques climatiques dans les politiques de défense et de développement deviennent des impératifs diplomatiques, particulièrement dans les zones insulaires.
Une réponse interdisciplinaire… et géopolitique
La conférence a prôné une approche globale, croisant climatologues, agronomes, hydrologues, militaires et diplomates. L’objectif : bâtir des politiques de sécurité qui tiennent compte des transformations climatiques en cours et de leurs effets différenciés selon les territoires.
Le rôle des organisations régionales, des bailleurs internationaux et des États partenaires y a été souligné : la sécurité climatique exige des mécanismes de coordination transfrontaliers, des investissements massifs dans la résilience agricole et l’intégration du climat dans les doctrines sécuritaires.
Vers une diplomatie climatique africaine ?
Alors que les tensions géopolitiques mondiales se durcissent, le climat devient une nouvelle ligne de fracture ou de coopération selon les choix des gouvernements africains. Un enjeu qui redéfinit les priorités de la diplomatie continentale et invite à une meilleure synergie entre politiques climatiques, agricoles et sécuritaires.
En somme, le changement climatique agit comme un révélateur des faiblesses systémiques, mais aussi comme une opportunité de refondation stratégique. Il appartient désormais aux États africains, avec leurs partenaires internationaux, de faire de la sécurité climatique un pilier des relations diplomatiques du XXIe siècle.